jeudi 13 octobre 2011

Un vieux béguin


-Tu as toujours ton ancienne passion pour moi, hein? demanda-t-elle avec un peu d'orgueil.
-Oui
-C'est formidable pour toi, dit-elle. Avoir une passion dans la vie. Un vieux béguin. Un vieux béguin qui ne meurt jamais, c'est comme ces saletés de grosses godasses anglaises que les riches portaient autrefois. L'illusion  d'une vie éternelle. C'est ce qu'elles donnent comme illusion. On achète une paire de ces beautés quand on sort de pension et quarante ans après on vous conduit au cimetière avec les mêmes pompes marrons aux oeillets brillants. C'est à peu près ce que me fait le coup de la vieille passion.
-Est-ce que tu peux me tailler une pipe?
-C'est de la poésie pure, Lucien.... J'ai rencontré un couple au restaurant d'Alabama Jack en Floride, qui m'a dit t'avoir rencontré en Amérique du Sud. Ils m'ont dit que tu avais une femme merveilleuse, une très belle fille, mais tu n'étais pas attentif et tu avais l'air de vouloir rejoindre le programme spatial.
-J'ai rejoint l'Agence d'information des Etats-Unis. Est-ce que ça ne leur suffisait pas?
-Apparemment non. Ils étaient tout à fait sérieux.
Lucien gratta de l'ongle le cadran de sa montre.
-Ecoute, dit-il, est-ce que c'est aussi terrible que ça d'avoir toujours ces sentiments à ton égard? Tout le monde n'a pas une image aussi heureuse de son passé.
-C'est moi la première fille avec qui tu as couché? demanda-t-elle avec une joie épouvantable.
-Presque
-Presque ! (Elle était stupéfaite) .Je t'ai raté de combien?
Il y a eu une fille Assiniboine vraiment gentille à Plentywood quand je faisais partie de l'équipe de base-ball.
-On dirait que tu as toute une collection de souvenirs très agréables, dit Emily avec une indignation qu'elle ne cherchait pas à dissimuler.
Lucien leva un doigt prudent.
-Rappelle-toi, tu couchais avec le médecin, ma petite.
-Ce type, dit Emily. Ne t'inquiètes pas pour ce salaud. Je l'ai descendu.
Thomas Mc Guane " La source Chaude" (1O/18)
En lisant ce texte, j'imagine  une véritable scène de film. Dialogues parfaits, indispensables respirations. Il ne manque rien, tout est présent .
Allez... moteur.

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