vendredi 27 janvier 2012

A Hell of a Woman

En 1979 le cinéaste Alain Corneau décide d'adapter sous le titre de "Série Noire", "A Hell of a Woman" de Jim Thompson, paru dans la Série Noire sous le titre "Des cliques et des cloaques". Le roman contient tous les ingrédients de l'univers Thompson : le manque d' identité, de réussite sociale, d'amour. C'est un roman  sur le destin contrarié d'un homme trop tendre pour s'imposer dans le monde implacable qui l'entoure. A peu près tous les romans de Thompson ont la même ligne dramatique.
La première bonne pioche d'Alain Corneau (qui signe un honnête polar) c'est d'avoir confié l'adaptation  et les dialogues du film au talentueux poète Georges Perec.
Bien loin des faiseurs qui tentent sans succès de singer les productions américaines, Perec transforme l'oeuvre tout en gardant les éléments constitutifs qui font sa noirceur originelle.
Dans un premier temps, il transpose l'action dans une banlieue incertaine peuplée par des exploités et des marginaux. Dans ce décor sinistre sans aucune couleur ni relief, les personnages ne luttent plus, la lutte des classes étant remplacée par l'action individuelle forcément désespérée. Pour exemple, voyons la scène d'introduction du film. Franck, le personnage principal, apparaît au centre d'un terrain vague ou flottent les divers résidus de la société. Autour de cette arène, on peut voir l'autre société (celle qui avance en broyant tout sur son passage) : les grues de construction et l'enseigne du centre commercial voisin.



Puis,  Perec  met en place le personnage du méchant  (le patron, et son adjuvant l'inspecteur de police ) qui exploite sans scrupules les minorités :immigrés, chômeurs, vagabonds et personnels serviles dont  Franck est l'archétype.
Ensuite, il adapte le langage en donnant au personnage et à ceux qui l'entourent un parlé stéréotypé, sans aucune âme, composé d'expressions populaires, de locutions et de paroles de chansons populaires elles-aussi. Ces chansons forment l'insupportable  bande-son du film. Il faut noter aussi que le patron (exploiteur) ne parle pas comme les exploités. Son langage est soutenu et il emploie même des expressions comme "c'est vraiment coquet chez vous".
Enfin, il ne se substitue pas à la tradition de la femme fatale dont le rôle consiste à sauver le héros mais, vous l'avez deviné,  contribue plus à  sa chute.
Le travail d'adaptation est brillant. Nous ne sommes pas en Amérique pourtant  les  points forts du roman noir sont bien présents, bien loin des poncifs rebattus  des séries sensées nous faire frissonner.
La seconde bonne pioche du réalisateur c'est bien entendu d'avoir choisi Patrick Dewaere pour incarner le personnage principal





Rien à ajouter . Monde pourri ... La lutte continue.
Julius Marx
ps: Voir aussi l'article sur les mémoires de  Big Jim Sur ce blog

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