mercredi 4 janvier 2012

Impossible de partir sans Raymond Carver


Cette nuit là, l'Harmattan nous a chassés de la Côte d'Ivoire
Sur la route, les guirlandes de Noël clignotaient dans le ciel
Personne pour pousser le moindre Oh! d'admiration.
Sur les murs extérieurs de l'aéroport,
s'affichaient de charmantes et désuètes photos de l'époque coloniale.
Des hôtesses avenantes en tailleur strict et chignon accueillaient des blancs joufflus
en costumes froissés, au pied de la passerelle du Super Constellation d'Air France.
Un flic aux gros doigts boudinés a trituré nos passeports
puis un autre, et encore un autre...
Tous regardaient nos sauf-conduit comme les trucs les plus  dingues qu'ils avaient jamais vu.
Dans un gros carton frappé d'une marque de protections périodiques, j'avais bien emballé deux flamboyants,
personne ne m'a demandé d'ouvrir mon carton.
Un  fielleux-dompté a pointé son doigt sur mon ventre,  j'ai fait glisser ma ceinture.
Le haut-parleur a annoncé qu'il nous faudrait  patienter quatre heures dans la salle d'embarquement,
les lumières se sont éteintes, les plus téméraires d'entre nous ont tenté de s'allonger sur les sièges en métal,
d'autres inspectaient les rayons de la boutique hors taxes en ouvrant de grands yeux,
 pour bien imprimer les tarifs dans leur cerveaux.
J'ai froissé et jeté par terre le bon permettant de se taper une boisson à l'oeil, en représailles.
Dans l'avion, les dormeurs ont poursuivi leur gymnastique, j'ai vainement tenté de fermer les yeux.
Plus tard, la récompense...
L'aube se levait sur le désert, à huit mille mètres,
un trait d'orange vif posé sur un bleu presque noir,
en dessous, les vaguelettes de sable.
-Il reste encore pas mal de place pour construire, pas vrai ?
Mon voisin hilare, un sosie de Peter Ustinov, sa fine moustache qui tremble,
soupirs...
J'ai souri, on peut décidément s'habituer à tout.
Dans ma poche, je palpe mon bouquin fétiche,
La vitesse  foudroyante du passé.
Julius Marx

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