jeudi 26 septembre 2013

Le polar est Célinien



Ils s'étaient mariés à vingt-cinq ans, frais comme des gardons, gais comme des pinsons, bêtes comme des dindons, voyage de noces à Sainte-Menehould. Un demi-siècle de face à face dans le logement "simple" et un peu sombre, Duffayel, Ségalaud et Lévittan dans tous les coins, les surveillant, matons pour gens honnêtes. L'immeuble, affreux débris, penché sur le lacis des voies ferrées du quartier Gare-Nord, prêt à piquer une tête malgré les étais qui lui crevaient le flanc. Vue imprenable. Vue pour les paumés. On se battrait pas pour  la leur piquer. Lui ses journées en uniforme violet-deuil de guide du Musée de la Mort. Trois cents bonhommes et bonnes femmes en cire à garder, des fois qu'ils se mettraient à fondre. Un truc à la Tussaud. Criminels-droits communs, politiques et militaires- infanticides , parricides, mégères sadiques, tortionnaires, toutes les gueules sinistres des faits divers glanées dans les rubriques noires des gazettes de Louis XV à aujourd'hui. Voilà avec qui il avait passé ses journées pendant quarante ans. Et le soir, Bobonne-Odette dans le deux pièces. Elle ne lui avait pas donné d'enfant. La radinerie jusque dans les ovaires. Pas pu, qu'elle racontait. Juste un monstre. Un non-homme qu'elle avait mis bas dans la chambre, entre le buffet Henri II et la machine à coudre Singer à pédales, à quarante-neuf piges, vraiment le dernier métro. Petite chose mollassonne et mouilloteuse  qu'elle était allé noyer dans le fleuve, le pacsif difforme au fond d'un sac d'hyper-marché-d'un surgelé l'autre-, la honte nocturne.
Puis on les avait viré du deux-pièces. Y a une chose encore plus dégueulasse que les pauv'cons, c'est les proprios. Vidés. Bonsoir madame, bonsoir monsieur, c'est moi l'huissier. Et en route pour le grand HLM de banlieue, immense nid à pauvres. Un bain d'humidité à cause des arbres, trop nombreux, deux accrochés à la mégapole incapables de s'adapter, à un âge si avancé, à ces trucs verdâtres un peu trop mouillés. Et même pas un bistrot.
Pierre Siniac
Homicide by Night
Néo -1985


Belle jeunesse ,
oui, vous, les minots qui  glanez du sordide.
Prenez, ceci est  du Siniac.
Ô combien plus glauque et sanglant qu'une série amerloque,
Siniac affole le correcteur d'ortho Google jusqu'à le faire expirer.
Buvez,
ceci est  du pus jus, du velours, du rouge sang qui décape.
 Et puis, allez en paix,
jusqu'au  bout de la nuit.
Julius Marx

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