lundi 9 décembre 2013

Madiba



Elle rit,
Madiba vient de mourir, et elle rit.
Elle est secouée, possédée,
par un rire frénétique, strident et pénible.
Je rentre la tête dans les épaules,
et écarquille les yeux :
mais qu'ai-je  donc dit de si....?
-Non, c'est pas vrai, hein, c'est pas vrai?
Sa voix n'est qu'un  râle rauque et faible.
Dans notre chambre ; le silence, soudain. Et puis :
-Pour les oranges....
-Quoi, les oranges ?
-Tu as boycotté les oranges Ouspan? 
Ta seule contribution à la lutte contre l'apartheid, ne pas bouffer d'orange !
 Ah...C'était donc ça, rien q'un règlement de compte.
Que répondre?
- Pourquoi pas les films en noir et blanc
(le rire devient ricanement)
ou les cases noires des mots croisés !
Oui ! les cases noires des mots croisés!
Elle hurle, elle hurle, comme l'ange du jugement dernier.
J'abandonne tout. 
Je referme le dossier mémoires.
Avant de sortir, je jette pourtant :
-Moi, je n'ai pas la photo de mon chien, en fond d'écran,
 sur mon téléphone portable.
Elle jette un oeil sur son téléphone, là, 
juste à côté d'elle, sur le lit.
-Je vais ranger la maison, dit-elle.
Je suis sur le pas de la porte. Il y a une odeur d'agrumes
dans l'air humide.
-Dis, tu vas revenir?
-Tôt ou tard, oui.
Julius Marx

Sur l'histoire des oranges Ouspan lire :
http://blogs.mediapart.fr/edition/ce-que-parler-veut-dire/article/061213/les-oranges-outspan

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