jeudi 19 décembre 2013

Noël noir

Pour tous, la période de noël est une période de bonté. Un des rares moment de grâce où l'honnête citoyen se préoccupe du sort des réfugiés philippins, des conditions de détention dans les camps de Lampedusa, des médecins bénévoles du Pakistan, des rhinocéros, des enfants abandonnés et séparés de leur frères et soeurs, du calvaire des canards gras, des otages au Maghreb, des  océans, des poissons vivant en eaux profondes et des sans-abri, pour les oublier la semaine suivante en s'empiffrant pour fêter la belle et merveilleuse année qui arrive.
Mais, pendant ce temps-là, que peuvent bien faire les héros de nos polars préférés?
Réponse dans ce blog, tout de suite. Nous débutons notre tour d'horizon par Martin Terrier.
                                                     


                                                                  NORMA



Le magnéto-cassette Radiola diffuse un enregistrement pirate de Norma, le 24 Août 1960 dans le théâtre antique d'Epidaure. L'enregistrement est l'oeuvre d'un bon à rien mais la voix de La Diva est bien présente, malgré quelques vibrations incontrôlées provoquées par un vent frais anormalement présent pour une soirée d'été.
Allongé sur le grand lit blanc de son studio mansardé sous les combles, au sixième étage,Terrier fume une Gauloise en laissant les volutes de fumée s'étirer mollement vers le plafond. Sur le tapis beige à longs poils, on peut remarquer quelques bouteilles vides de bière Mutzig. Sur le fauteuil en plastique,en lieu et place de la table de chevet, sont empilés: le costume bleu pétrole très fripé de Terrier, son maillot de corps, ses chaussettes et la dernière édition du Monde diplomatique. Au somment de la pyramide, on peut aussi voir un pistolet automatique Ortgies avec un réducteur de son Redfield.
Terrier grogne en entendant la voix de Tino Rossi, des cris d'enfants et des exclamations d'adultes vinassés provenant de l'appartement mitoyen. Il écrase sa cigarette dans le cendrier publicitaire posé sur l'oreiller, à côté de lui et roule hors du lit.
Dans la cuisinette adjacente, il ouvre le petit réfrigérateur et attrape un morceau de gruyère Coeur de meule. Il déchire le plastique d'un coup de dent et mange le fromage sans le sortir de son emballage en mastiquant lentement, les yeux fixés sur le robinet de l'évier.
A côté, la télévision avait remplacé le vieux chanteur corse. Un présentateur hystérique poussait des cris de hyène en chaleur. Le public applaudissait.
Terrier fait trois pas pour venir stopper le magnéto-cassette. La bande jaillit de l'appareil. En quelques secondes seulement, le magnéto est recouvert d' un magma difforme. Les lèvres de Terrier se pincent. D'un geste brusque, il saisit l'appareil et le balance  dans la poubelle de la cuisinette.
A ce moment précis, les voisins, avec leurs mômes et leur télé,envahissent le logement de Terrier.
Il pousse un juron obscène.
Il lui faut une minute pour arriver devant la porte. Il grimace en découvrant la couronne en plastique imitation sapin épinglée avec un crochet X. Il frappe plusieurs fois, le poing fermé.
L'homme qui ouvre est ventru et débraillé. Il sourit. Un sourire édenté et nicotiné. Lorsque Terrier lui flanque un coup de pied dans les parties génitales, il perd immédiatement son sourire et dégringole comme un sac de pomme de terre sur le linoléum de l'entrée.
Une  fausse blonde maquillée comme un sapin de noël, et sanglée dans un ensemble pailleté, entre en scène. Elle ouvre de grands yeux et pousse un hurlement  en voyant le sac sur son lino.
-Mais, qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes fou !
-Oui,dit Terrier.( On peut voir une  mince ligne blanche autour de sa bouche.)
Le gros à terre se tortillait en grognant. Terrier fait un bond et donne un grand coup de poing sur la mâchoire de la femme à paillettes. Il y a maintenant deux sacs au sol.
Lorsque Terrier pénètre dans l'appartement, les deux gamins en pyjama sont cachés sous la table du salon. Terrier fait deux pas en direction de la télévision. Il balance un coup de pied dans la table basse. La télé écran plat dégringole sur le tapis lie-de-vin. Second coup de pied et le silence s'installe enfin dans la pièce. Puis, il sort en enjambant les deux sacs.
-On n'interrompt pas la Callas, dit Terrier, la voix rauque, d'un ton ferme.
Julius Marx

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire