mercredi 5 février 2014

Charlie

Cavanna vient de mourir et, je me souviens...

Comment j'ai été attaqué par un éléphant et des guerriers Mossis.
Avril 1977, Ouagadougou  capitale de la Haute-Volta (devenue aujourd'hui le Burkina-Faso).
La grande librairie centrale est un commerce tenu par des Libanais (tous les commerces importants sont aux mains des libanais, c'est ainsi) et on y trouve tout , ou à peu près tout.
J'entre. Une rombière grimace et pince les lèvres  en fixant ma tignasse.Je lui rend sa grimace et me  dirige tout de suite vers l'étagère où j'ai l'habitude de trouver chaque semaine mon Charlie-Hebdo.
Ensuite, la routine; les vendeurs me sourient, le gérant me demande des nouvelles de ma famille et la rombière lève les yeux au ciel.
Je dépose mon canard plié en deux sur la caisse. La souriante petite caissière l'attrape, le déplie et reste subitement interloquée, la bouche grande ouverte. Elle appelle son acolyte, occupé à ranger d'autres bouquins, dans le cagibi, juste à côté de la caisse. Il nous rejoint  en deux enjambées. Lui aussi jette un oeil sur la couverture du Charlie.Le résultat est le même. Mais le type à l'air beaucoup plus méchant. Il  retrousse les babines et appelle d'autres vendeurs.
Je baisse les yeux à mon tour... merde... un dessin de Reiser... Je sens mes jambes qui m'abandonnent. J'ai subitement chaud...
Bon sang, elle en met un temps à me rendre ma monnaie, qu'est-ce qu'elle fiche.... et moi qui lui ai refilé une grosse coupure, quel andouille! Il faut que je file maintenant. Vite... pendant que la voie est dégagée.
 La sortie, enfin... Des guerriers armés de sagaies veulent me transformer en écumoire, je plonge!
Je déboule dans la rue...Libre... Sain et sauf!  Ils m'observent depuis la vitrine. Je cours...
Il va falloir que je prenne les petites rues pour les semer. Je suis devenu un paria. Je vais finir dans un fossé parmi les détritus comme le héros du Linceul .
Les voilà ! Cours mon vieux, cours !
J'ai de plus en plus chaud... Salaud de Reiser!
Julius Marx



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