Aéroport de Tunis. Samedi 14 juin 2014.
Le couple de jeunes assis à côté de moi m'ennuie. Leur conversation me file la chair de poule. Imaginez un peu, ces deux-là sont occupés à comparer le prix de vente d'une tablette machin-chose avec une autre tablette machin-chose. Jamais rien vu d'aussi palpitant!
Une jolie voix nous annonce que l'avion aura deux heures de retard. Je hais les jolies voix.
Prendre la fuite. Je suis capable de les assommer avec leur fichue tablette.
Go to the west, young man. J'évite les grappes de mômes qui se chamaillent. Là, une place... Une petite mémé... Pourquoi pas? Le troisième âge plutôt que les quatre gros vacanciers qui se racontent leur joliséjourtoutcompris.
-Chez nous, le vin était compris
-Moi aussi, j'ai tout compris
(Rires)
Elle s'est assoupie. De mon nouveau poste d'observation, j'ai une vision presque complète des passagers de la salle d'embarquement mitoyenne. De ce côté-ci, le calme s'est installé. Premier constat : la totalité des femmes sont voilées. Ce qui me frappe, c'est le nombre élevé de personnes blessées. A deux sièges du mien; une vieille femme avec un pansement sur l'oeil, à côté d'elle, un homme qui porte un corset. Puis deux enfants; bras en écharpe pour l'un et pansement cachant l'oreille pour l'autre. J'ai du mal à compter le nombre de béquilles qui m'entourent.. Sans parler de la ribambelle de fauteuils roulants alignés contre la grande baie vitrée.
Il faut absolument que je m'approche du comptoir d'enregistrement... Savoir où se rendent tous ces gens.
Misrata... Libya.
Je ne me rappelle pas avoir déjà ressenti un contact aussi brut et oppressant avec une guerre.
Dans cette salle, ce soir-là, je me suis retrouvé loin, très loin des images d'actualités, des paroles et de la géopolitique.
Et puis je suis retourné vers les vacanciers, les fanas de tablettes et ma petite mémé qui dormait toujours.
Deux heures de retard, et alors?
Julius Marx
Photo JM Pelosin (Site Flickr)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire