(Klarskovgaard.)
Le 27 mai (1948)
Monsieur
Je vous
remercie pour la bonne surprise que j’ai éprouvée en lisant votre article dans
les Lettres Françaises(1). L’on ne m’y
injuriait pas ! dénonçait pas ! Comme c’est amusant !
Encore un
petit effort et les Lettres Françaises finiront
par avoir de l’esprit ! Pour la vérité des choses, puisque l’occasion m’est
offerte, je dois avouer que je n’ai jamais lu une ligne d’Aragon, ni d’aucun autre surréaliste (2) – non par mépris, dédain, que diable, mais
simplement parce que le temps m’a
manqué, même en prison.
Par contre
Aragon m’a beaucoup lu lui, et sa femme, puisqu’ils m’ont traduit, et d’office, le Voyage, dès 1934.
Pour le
reste la transposition du langage parlé en écrit, sa récréation…vous n’y êtes
pas encore… Vous brûlez certes… mais tout de même d’assez loin… Vous êtes-vous
jamais demandé quel diable poussa les Impressionnistes à sortir du Jour d’Atelier ?
On travaille si bien dans un Atelier… mais c’est dehors qu’on se mouille… Ainsi
du cœur et c’est le cœur le style.
LF Céline
(Lettre à
Raymond Queneau)
1.
« on cause », par Raymond
Queneau, Les lettres Françaises n°
207, 6 mai 1948. Dans cet article consacré à l’emploi du français parlé en
littérature l’auteur remarque : « Ce sont presque toujours des
bourgeois qui ont écrit (ou tenté d’écrire) en langage parlé. » Le premier
exemple qu’il donne est les propos de coco bel-œil de Julien Guernec, puis
il en vient à Voyage au bout de la nuit auquel
il consacre un paragraphe.
2. Après avoir reconnu l’importance de Voyage, Queneau conclut curieusement : « l’influence
d’Aragon et du surréalisme en général, sur Céline est incontestable.
3. Notes : Henri Godard et Jean-Paul Louis (Pléiade 2009)
Dessin: Picabia
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