dimanche 12 mars 2017

Le sang du soleil






J’ai vu tous les océans sauf l’Arctique et l’Antarctique ; mais la mer Rouge a une magie unique, celle de tous les échos, mystères et senteurs de l’Arabie. La côte du Yémen, en face, fut il y a quinze ans encore la plus interdite du monde. Sur ces eaux qui n’ont de rouge que le sang du soleil flotte je ne sais quelle absence, je ne sais quelle prenante nostalgie. De Suez à l’Ethiopie, de la Mecque à l’océan Indien, les côtes désertiques nourrissent de leur vide une poésie étrange comme un chant silencieux de l’Islam. De ces rives sont partis les conquérants du Maghreb et de l’Espagne, et chaque rayon étincelant du soleil évoque les sabres des cavaliers du Prophète.
Les affres politiques du monde arabe paraissent plus lointaines ici que les Mille et Une nuits. Aucune mer du monde n’est plus éloignée du présent et nulle part ailleurs le passé évanoui n’a une présence plus envoûtante.

Romain Gary

Les trésors de la mer Rouge

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