J’ai vu tous
les océans sauf l’Arctique et l’Antarctique ; mais la mer Rouge a une
magie unique, celle de tous les échos, mystères et senteurs de l’Arabie. La
côte du Yémen, en face, fut il y a quinze ans encore la plus interdite du
monde. Sur ces eaux qui n’ont de rouge que le sang du soleil flotte je ne sais
quelle absence, je ne sais quelle prenante nostalgie. De Suez à l’Ethiopie, de
la Mecque à l’océan Indien, les côtes désertiques nourrissent de leur vide une
poésie étrange comme un chant silencieux de l’Islam. De ces rives sont partis
les conquérants du Maghreb et de l’Espagne, et chaque rayon étincelant du
soleil évoque les sabres des cavaliers du Prophète.
Les affres
politiques du monde arabe paraissent plus lointaines ici que les Mille et Une
nuits. Aucune mer du monde n’est plus éloignée du présent et nulle part
ailleurs le passé évanoui n’a une présence plus envoûtante.
Romain Gary
Les trésors de la mer
Rouge
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire