Etait-ce une
mélodie, était-ce un souffle ? Il y avait quelque chose derrière les
vitres. J’ouvris la fenêtre : c’était le Sirocco : et des nuages en course
au fond du ciel courbe (n’y avait-il pas là la mer ?) s’amoncelaient dans
la clarté argentée où l’aurore avait laissé un souvenir doré. Tout autour la
cité montrait ses travées colossales dans les loges ouvertes de ses grosses
tours, humide encore de la pluie récente qui en avait bruni la brique :
elle donnait l’image d’un grand port, désert et voilé, ouvert dans ses greniers
après le départ aventureux dans le matin : tandis que dans le Sirocco semblaient
encore arriver en souffles chauds et lointains de là-bas les reflets d’or des
bannières et des navires qui franchissaient la courbe de l’horizon. On sentait
l’attente. Dans un bourdonnement de voix tranquilles les voix argentines des
jeunes garçons dominaient librement dans l’air. La cité reposait de sa
laborieuse ferveur. C’était la veille d’un jour de fête : la Veille de
Noël. Je sentais que tout reposait : souvenirs espoirs moi aussi je les
abandonnais à l’horizon courbe là-bas : et l’horizon me semblait vouloir
les bercer avec les reflets frangés de ses nuages mobiles à l’infini. J’étais
libre, j’étais seul. Dans la joie sereine du Sirocco je goûtais en béatitude
ses souffles ténus. Je voyais la nébulosité hivernale qui fuyait devant lui :
les nuages qui se reflétaient là-bas sur le pavé tacheté en reflets argentés
sur la fugace clarté nacrée des visages féminins triomphant dans leurs yeux
doux et sombres : sous le raccourci des portiques je suivais les vagues
créatures rasantes aux panaches mélodieux, j’entendais le pas mélodieux,
étouffé dans la cadence légère et égale : puis je regardais les tours
rouges aux travées noires, aux balustrades ouvertes qui veillaient désertes sur
l’infini.
C’était la
veille de Noël.
Dino Campana
Sirocco (Bologne) Extrait. L’Age d’homme-1998
(Traduction
Christophe Mileschi)
Photo : Bellitalie.org
Photo : Bellitalie.org
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