dimanche 21 décembre 2014

Sirocco


Etait-ce une mélodie, était-ce un souffle ? Il y avait quelque chose derrière les vitres. J’ouvris la fenêtre : c’était le Sirocco : et des nuages en course au fond du ciel courbe (n’y avait-il pas là la mer ?) s’amoncelaient dans la clarté argentée où l’aurore avait laissé un souvenir doré. Tout autour la cité montrait ses travées colossales dans les loges ouvertes de ses grosses tours, humide encore de la pluie récente qui en avait bruni la brique : elle donnait l’image d’un grand port, désert et voilé, ouvert dans ses greniers après le départ aventureux dans le matin : tandis que dans le Sirocco semblaient encore arriver en souffles chauds et lointains de là-bas les reflets d’or des bannières et des navires qui franchissaient la courbe de l’horizon. On sentait l’attente. Dans un bourdonnement de voix tranquilles les voix argentines des jeunes garçons dominaient librement dans l’air. La cité reposait de sa laborieuse ferveur. C’était la veille d’un jour de fête : la Veille de Noël. Je sentais que tout reposait : souvenirs espoirs moi aussi je les abandonnais à l’horizon courbe là-bas : et l’horizon me semblait vouloir les bercer avec les reflets frangés de ses nuages mobiles à l’infini. J’étais libre, j’étais seul. Dans la joie sereine du Sirocco je goûtais en béatitude ses souffles ténus. Je voyais la nébulosité hivernale qui fuyait devant lui : les nuages qui se reflétaient là-bas sur le pavé tacheté en reflets argentés sur la fugace clarté nacrée des visages féminins triomphant dans leurs yeux doux et sombres : sous le raccourci des portiques je suivais les vagues créatures rasantes aux panaches mélodieux, j’entendais le pas mélodieux, étouffé dans la cadence légère et égale : puis je regardais les tours rouges aux travées noires, aux balustrades ouvertes qui veillaient désertes sur l’infini.
C’était la veille de Noël.
Dino Campana
Sirocco (Bologne) Extrait. L’Age d’homme-1998

(Traduction Christophe Mileschi)
Photo : Bellitalie.org

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