Pour arriver
chez B, nous avons un plan. Il faut absolument, c’est important, abandonner sa
voiture tout près du métro.
(Heureusement,
nous sommes quatre. Trois personnes chargées de faire patienter nos suivants
immédiats pendant que le chauffeur encastre sa voiture dans une petite niche entre
des piles de briques et des sacs de ciment devant un immeuble en construction.)
Puis, escalader la passerelle qui enjambe les voies
ferrées.
(Trois d’entre
nous savent qu’en Egypte, les marches sont souvent irrégulières. Le quatrième l’apprend
ce soir-là.)
Nous suivons
les murs rouillés du corridor, qui n’en finissent pas d’être rafistolés de
carton ou de bois, enveloppés d’un impressionnant réseau de fils électriques.
(Un vieil
homme, assis en tailleur à même le sol, propose tout, ou presque, pour faire la
fête : masques d’halloween, chapeau pailletés, couvre-chef pointu de
sorcière et perruques bouclées.)
Nous
basculons de l’autre côté de la voie.
(Comme leurs
copines, les marches de l’escalier de l’autre rive, n’en font qu’à leur tête.)
18 heures. Le plan nous dit qu’il faut
maintenant se diriger vers la gauche et remonter la rue commerçante qui se
présente devant nous.
(Marcher
dans une rue. Une action si simple en apparence mais qui devient vite un
exercice périlleux. Ici, le verbe flâner n’existe pas. Ce qui est primordial
pour sa survie, c’est de ne jamais s’arrêter. Pour éviter les humains, les tricycles
pétaradants, les voitures, les
camionnettes, les porteurs, il faut remonter le courant en se laissant porter
par la houle-foule.)
Marcher
encore.Nos repères: une pharmacie et une boutique de
téléphone-mobile qui font l’angle de la rue.
(La cadence
est bonne. Penser à reprendre son souffle en émergeant au-dessus de la vague
régulièrement.)
Puis, une
fois sur les lieux, prendre à droite.
(Où est
cette fichue pharmacie ? Dans ce quartier, il y a une boutique de
téléphone mobile dans chaque recoin d’immeuble ! Un berger abandonne provisoirement
son troupeau de chèvres pour nous renseigner. Notre prononciation l’amuse
beaucoup.)
Enfin,
arrivés devant l’immeuble de B, grimper les cinq étages.
(La porte n’existe
plus. Dans le minuscule hall, une forme drapée dans des étoffes noires, dort
paisiblement sur les marches, surveillée par une bande de chats. Les matous ont
tous le nez écorché.)
Après une
longue ascension, nous embrassons enfin B et sa petite fille avec satisfaction
et soulagement.
(Nous visitons
leur appartement, en poussant de grands « oh! » et « ah ! »
devant chaque pièce, comme le veut la
coutume. Le tour du propriétaire achevé, nous nous installons sur la terrasse
pour goûter un repos bien mérité. Nous décidons de déboucher sans attendre une
bouteille de vin local.)
Dans la rue,
cinq étages plus bas, c’est une autre célébration beaucoup moins païenne que la
nôtre, qui se déroule. Marchant à pas cadencés sur des tapis, entre de
gigantesques tentures suspendues, de longues files d’hommes s’étirent. Ils sont
tous venus rendre le dernier hommage à un défunt.
(Les
haut-parleurs de tout le quartier se mettent aussitôt à rugir. Nous sursautons.
Pas un seul d’entre nous n’a jamais entendu un tel volume. Tout autour de la
cérémonie, la foule-houle poursuit son va et vient. Au loin, derrière un
immeuble nous apercevons même un feu d’artifice !)
B sourit de
notre surprise. Elle nous apprend que les mariages, célébrés au même endroit,
sont un peu plus « joyeux ».
(Un de nous
lui demande si le son est toujours aussi élevé. Nous n’entendons pas sa
réponse.)
Minuit. Lorsque nous quittons notre fête, la
rue n’est toujours pas calmée.
(Je me demande
à quel moment l’essaim d’abeilles, qui s'est logé maintenant depuis quelques heures
dans mon oreille, va enfin s’envoler vers d’autres contrées.)
Pour revenir
chez vous. Prendre le chemin inverse.
(Nous
traversons la brume qui vient de se lever, avançant comme des automates,
totalement groggy. Le plus jeune du groupe propose de revenir chez B, un autre soir, pour une fête de
mariage.)
Julius Marx
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