Avril 1977,
Ouagadougou capitale de la Haute-Volta (devenue aujourd'hui le
Burkina-Faso.)
La librairie centrale, à côté du grand marché,
est un commerce tenu par des Libanais (dans cette ville, tous les commerces
importants sont aux mains des Libanais, c'est ainsi.) On trouve tout, ou à peu
près tout, dans cette librairie mais surtout, la presse française. J'entre. Une
cliente, le genre rombière constipée de naissance, grimace et pince les lèvres
en fixant mes cheveux longs .Je lui rend sa grimace et me dirige
tout de suite vers l'étagère où j'ai l'habitude de trouver chaque semaine
mon Charlie-Hebdo. Ensuite, c’est la routine ; les vendeurs me
sourient, le gérant me demande des nouvelles de ma famille et la rombière lève
les yeux au ciel. Je dépose mon canard plié en deux sur la caisse. La pimpante petite caissière l'attrape, le déplie et reste subitement interloquée, la
bouche grande ouverte. Elle appelle son acolyte, occupé à ranger d'autres
bouquins, dans le cagibi, juste à côté de la caisse. Il nous rejoint en
deux enjambées. Il jette à son tour un oeil sur la couverture du Charlie.
Le résultat est le même. Mais, le type à l'air beaucoup plus méchant. Il
retrousse les babines. On dirait qu’il va me mordre. Et le voilà qui appelle d'autres vendeurs ! Je
baisse les yeux à mon tour... merde... un dessin de Reiser... Je sens mes
jambes qui m'abandonnent. J'ai subitement chaud...
Bon sang,
elle en met un temps à me rendre ma monnaie, qu'est-ce qu'elle fiche.... et moi
qui lui ai refilé une grosse coupure, quel andouille! Il faut que je file
maintenant. Vite, pendant que la voie est dégagée. Il ne faut pas leur laisser
le temps de s’organiser.
La sortie,
ouf... Ils sont à mes trousses, c’est sûr. Des guerriers armés de sagaies
veulent me transformer en écumoire, je plonge!
Je déboule
dans la rue...Libre... Sain et sauf, mais pour combien de temps? Ils m'observent depuis la vitrine.
Il va
falloir que je prenne les petites rues pour les semer. Je suis devenu un vrai paria.
Je vais finir dans un fossé, parmi les détritus, comme Hank Quilan.
Les voilà !
Cours mon vieux, cours !
J'ai de plus
en plus chaud... Putain de Charlie, Salaud de Reiser!
Julius Marx
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