La présence de
la Tortue sur un lieu voué à la culture
était, en soi, une métaphore qui chercherait à cerner le concept d’une
hétérogénéité obscène. Littéralement, il ressemblait à son totem privé de
carapace. Des yeux à la place du front, une bouche sans lèvres là où aurait dû
figurer un menton, bras courts, jambes torses et un tronc fluet dont on sentait
qu’il n’attendait qu’une occasion pour prendre les formes imprévisibles d’un
jouet en latex. La nature, dédaignant la facilité de le doter d’une belle âme,
avait préféré pousser l’expérience jusqu’au bout et l’avait fait aussi salaud
qu’il était moche ; une espèce de perfection.
Comble de
raffinement cruel il était, bien sûr, étonnamment intelligent et parfaitement
inculte. Mieux, il vouait à toutes formes de civilisation une haine remarquablement
inventive. Torquemada l’aurait fait chef abbé dans sa clique, la pègre niçoise en
avait fait son indic officiel et s’en servait pour balancer aux flics tous ceux
qui menaçaient son équilibre écologique.
Patrick Raynal
Né de Fils Inconnu
Albin Michel-1995
Image : Un plan de Crossfire (Feux Croisés-1947- d'Eward Dmytryk) où l'on voit ce qui arrive généralement aux gens comme la Tortue.
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