vendredi 2 octobre 2015

Le Polar Est Amour (25)




-Eh bien, ça fait cette impression, c’est sûr, dit-elle en détournant la tête et en levant les yeux vers le coin le plus éloigné de la cuisine ; et elle examinait toujours l’angle lointain quand elle dit : Alors est-ce que vous voulez coucher avec moi cette nuit ?
-Pourquoi moi ?
Elle le regarda- d’un œil plutôt grave, pensa-t-il- et dit :
-Eh bien vous êtes gentil et vous êtes plus âgé et comme je vous le demande, au lieu que vous me fassiez des avances, ça veut dire que c’est mon choix, non ? Et si je peux faire un choix, alors je ne dois pas être en prison, somme toute.
-Cela veut dire que vous pouvez choisir quelqu’un d’autre, dit Adair.
-Nous ne sommes pas forcés de… de faire quelque chose, à moins que vous vouliez. Je veux juste trouver quelqu’un là quand je me réveillerai. Quelqu’un de gentil.
-Je suis très flatté, dit Adair.
Elle sourit pour la première fois, d’un sourire très menu.
Je pense que vous venez de dire non merci, Virginia, dit-elle.
Adair lui sourit en retour.
-Mais si vous avez encore le même sentiment un autre soir, eh bien…
Elle se leva lentement et demeura immobile, le contemplant avec curiosité.
-Ce que vous êtes en train de faire, c’est me donner encore le choix, n’est-ce pas ?
-Je ne puis vous donner ce que vous possédez déjà.
Elle sourit de nouveau, avec plus de confiance cette fois.
-J’y réfléchirai, M. Adair, dit Virginia Trice qui se détourna et quitta la cuisine.
Adair se leva, ramassa les assiettes, les tasses et l’argenterie, et les transporta dans l’évier. Tandis qu’il  faisait couler l’eau et ajoutait du liquide vaisselle Ivory, il se promit de laver et d’essuyer tout avec lenteur, en se concentrant sur chaque assiette, chaque tasse, chaque fourchette, cuiller, couteau. Cela l’empêcherait de penser à comment ce serait d’être assis au bord du lit  là-haut dans la chambre de Virginia Trice, et de lui enlever lentement ses vêtements, un par un.
Ross Thomas
La Quatrième Durango

(Rivages-1993)
La Quatrième Durango et l'un de ces romans noirs qui, une fois achevé, vous laisse légèrement groggy ; probablement à cause de son écriture, de la  tension de l'intrigue et des personnages si attachants. Bref, du sacré bon travail.
Image: Lana Turner et John Garfield dans The Postman always rings twice (Tay Garnett -1946)

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