-Eh bien, ça
fait cette impression, c’est sûr, dit-elle en détournant la tête et en levant
les yeux vers le coin le plus éloigné de la cuisine ; et elle examinait
toujours l’angle lointain quand elle dit : Alors est-ce que vous voulez
coucher avec moi cette nuit ?
-Pourquoi
moi ?
Elle le
regarda- d’un œil plutôt grave, pensa-t-il- et dit :
-Eh bien
vous êtes gentil et vous êtes plus âgé et comme je vous le demande, au lieu que
vous me fassiez des avances, ça veut dire que c’est mon choix, non ? Et si
je peux faire un choix, alors je ne dois pas être en prison, somme toute.
-Cela veut
dire que vous pouvez choisir quelqu’un d’autre, dit Adair.
-Nous ne
sommes pas forcés de… de faire quelque
chose, à moins que vous vouliez. Je veux juste trouver quelqu’un là quand je me
réveillerai. Quelqu’un de gentil.
-Je suis
très flatté, dit Adair.
Elle sourit
pour la première fois, d’un sourire très menu.
Je pense que
vous venez de dire non merci, Virginia, dit-elle.
Adair lui
sourit en retour.
-Mais si
vous avez encore le même sentiment un autre soir, eh bien…
Elle se leva
lentement et demeura immobile, le contemplant avec curiosité.
-Ce que vous
êtes en train de faire, c’est me donner encore le choix, n’est-ce pas ?
-Je ne puis
vous donner ce que vous possédez déjà.
Elle sourit
de nouveau, avec plus de confiance cette fois.
-J’y
réfléchirai, M. Adair, dit Virginia Trice qui se détourna et quitta la cuisine.
Adair se
leva, ramassa les assiettes, les tasses et l’argenterie, et les transporta dans
l’évier. Tandis qu’il faisait couler l’eau
et ajoutait du liquide vaisselle Ivory, il se promit de laver et d’essuyer tout
avec lenteur, en se concentrant sur chaque assiette, chaque tasse, chaque
fourchette, cuiller, couteau. Cela l’empêcherait de penser à comment ce serait
d’être assis au bord du lit là-haut dans
la chambre de Virginia Trice, et de lui enlever lentement ses vêtements, un par
un.
Ross Thomas
La Quatrième Durango
(Rivages-1993)
La Quatrième Durango et l'un de ces romans noirs qui, une fois achevé, vous laisse légèrement groggy ; probablement à cause de son écriture, de la tension de l'intrigue et des personnages si attachants. Bref, du sacré bon travail.
Image: Lana Turner et John Garfield dans The Postman always rings twice (Tay Garnett -1946)
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