vendredi 18 mars 2016

Le polar Est Amour (26)


Kelly ouvrit la bouche, puis la referma lentement. Elle repoussa une mèche de cheveux qui lui était tombée sur le front et regarda tout autour d’elle.
-J’ai une dernière faveur à vous demander d’abord. S’il vous plaît, encore un peu de patience.
-Bien sûr. Tout ce que vous voudrez. Vous m’avez empoisonné, vous menez la danse.
-J’ai besoin d’aller aux toilettes. C’est urgent.
-Essayez la pièce avec le siège blanc.
-Très drôle, Jack. Mais j’ai besoin que vous veniez avec moi.
Kelly l’aida à se lever du lit. Il se rendit compte qu’il se sentait encore un peu flageolant, un peu étourdi et il la suivit, le pas lourd, jusqu’à la salle de bains. Installation hôtelière typique : une baignoire avec douche, une vasque sur un meuble, des serviettes tellement blanchies qu’on pouvait presque sentir l’odeur d’eau de Javel dans la pièce. Jack s’assit sur le bord de la baignoire et regarda Kelly défaire sa ceinture, puis déboutonner son jean. Elle commença à descendre la braguette, puis s’interrompit.
-Vous n’êtes pas obligé de regarder.
La voilà maintenant qui l’accusait d’être un pervers.
- Désolé.
Jack détourna la tête, fixa son regard sur un carreau de céramique blanc sur le mur opposé. Le joint qui l’entourait manquait un peu de précision. Il entendit le froissement du jean qui descendait le long d’une paire de jambes, puis ce qu’il imagina être celui de la culotte. Ca ferait une autre excellente photo pour la légitime : Jack seul dans la salle de bains d’une chambre d’hôtel avec une blonde dont le pantalon était descendu jusqu’aux chevilles. Mais, chérie, protesterait-il. Je n’ai pas quitté des yeux le carreau de céramique sur le mur. Je ne sais même pas si c’est une vraie blonde.
Les hommes sont des créatures visuelles, inlassablement fascinés par l’une ou l’autre partie du corps féminin, même s’ils ne la trouvent pas attrayante. Dans son cas, même s’il s’agissait de la femme qui l’avait empoisonné. Il ne pouvait pas s’empêcher de regarder.
-Hé.
Jack eut la vision fugace de la peau très blanche de Kelly, avec, au milieu, un triangle de poils pubiens roux, bien épilé. Ce n’était pas une vraie blonde.
-Je suis désolé. Je croyais que vous aviez terminé.
-Ouais.
Kelly fit la moue.
-Je suppose que je vous dois au moins un regard. Après tout ce que je vous ai fait subir.
Duane Swierczynski
The Blonde

(Rivages/Noir)
Image : Veronka Lake dans This gun for here ( Frank Tuttle-1942)

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