Kelly ouvrit
la bouche, puis la referma lentement. Elle repoussa une mèche de cheveux qui
lui était tombée sur le front et regarda tout autour d’elle.
-J’ai une
dernière faveur à vous demander d’abord. S’il vous plaît, encore un peu de
patience.
-Bien sûr.
Tout ce que vous voudrez. Vous m’avez empoisonné, vous menez la danse.
-J’ai besoin
d’aller aux toilettes. C’est urgent.
-Essayez la
pièce avec le siège blanc.
-Très drôle,
Jack. Mais j’ai besoin que vous veniez avec moi.
Kelly l’aida
à se lever du lit. Il se rendit compte qu’il se sentait encore un peu
flageolant, un peu étourdi et il la suivit, le pas lourd, jusqu’à la salle de
bains. Installation hôtelière typique : une baignoire avec douche, une
vasque sur un meuble, des serviettes tellement blanchies qu’on pouvait presque
sentir l’odeur d’eau de Javel dans la pièce. Jack s’assit sur le bord de la
baignoire et regarda Kelly défaire sa ceinture, puis déboutonner son jean. Elle
commença à descendre la braguette, puis s’interrompit.
-Vous n’êtes
pas obligé de regarder.
La voilà maintenant
qui l’accusait d’être un pervers.
- Désolé.
Jack
détourna la tête, fixa son regard sur un carreau de céramique blanc sur le mur
opposé. Le joint qui l’entourait manquait un peu de précision. Il entendit le
froissement du jean qui descendait le long d’une paire de jambes, puis ce qu’il
imagina être celui de la culotte. Ca ferait une autre excellente photo pour la
légitime : Jack seul dans la salle de bains d’une chambre d’hôtel avec une
blonde dont le pantalon était descendu jusqu’aux chevilles. Mais, chérie,
protesterait-il. Je n’ai pas quitté des yeux le carreau de céramique sur le mur.
Je ne sais même pas si c’est une vraie blonde.
Les hommes
sont des créatures visuelles, inlassablement fascinés par l’une ou l’autre
partie du corps féminin, même s’ils ne la trouvent pas attrayante. Dans son
cas, même s’il s’agissait de la femme qui l’avait empoisonné. Il ne pouvait pas
s’empêcher de regarder.
-Hé.
Jack eut la
vision fugace de la peau très blanche de Kelly, avec, au milieu, un triangle de
poils pubiens roux, bien épilé. Ce n’était pas une vraie blonde.
-Je suis
désolé. Je croyais que vous aviez terminé.
-Ouais.
Kelly fit la
moue.
-Je suppose
que je vous dois au moins un regard. Après tout ce que je vous ai fait subir.
Duane Swierczynski
The Blonde
(Rivages/Noir)
Image : Veronka Lake dans This gun for here ( Frank Tuttle-1942)
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