ll semble que de nouvelles métaphores et autres allégories concernant le
désert soient de plus en plus difficiles à dénicher pour le poète. C’est un peu
comme la neige et son grand manteau blanc. Ce jour-là, le sable est
rouge. N’y voyez aucun phénomène géologique ou météorologique. Non, c’est tout
simplement les vitres de notre bus qui sont toutes recouvertes d’un film
plastifié de cette couleur. Le bus flotte sur un fin lacet rectiligne où les
quelques virages deviennent de salutaires distractions. Après cinq bonnes
heures de tangage nous voici à Bahariya. Le moins que l’on puisse dire c’est
que notre arrivée ne passe pas inaperçu. L’homme sympathique, embarqué par
notre chauffeur une heure plus tôt alors qu’il patientait au bord de la route,
nous présente sa carte de police et nous demande de le suivre dans une petite
échoppe sombre et sale. Pendant que le gérant photocopie nos passeports, un
véritable attroupement se forme autour de nous. Dans un anglais plutôt primitif
les chauffeurs de taxi nous demandent tous ce que nous sommes venus faire dans
ce village isolé. Nous sommes ici pour le grand désert blanc, évidemment !
Sûrement pas pour visiter la dizaine de bâtiments croulants alignés le long de
la route défoncée. Un autre fonctionnaire dévoué de l’Etat nous accompagne
jusqu’au campement réservé quelques jours plus tôt. Nous réveillons le gardien
des lieux. Pour la chambre, aucun problème, elles sont toutes libres. Pas un
chat, mais pas mal de poulets. Enfin, après une longue attente (mais le temps
compte si peu lorsqu’on est si proche du grand désert…) voilà le frère du
gérant. Une discussion animée s’engage sur notre excursion du lendemain.
Inutile d’en relater les détails, sachez seulement que toute palabre repose inévitablement
sur le fait accompli que nous sommes milliardaires. Enfin, l’affaire est
conclue. Le départ est fixé pour le lendemain matin. En attendant, d’après
notre hôte, il serait impensable de ne pas visiter les sources d’eau chaude qui
ne se trouvent qu’à quelques centaines de mètres derrière les bâtiments de l’hôtel.
Très bien, une petite marche ne peut pas nous faire de mal. Nous dérangeons
notre « accompagnateur » qui s’était déjà installé sur une banquette
à côté du gardien. L’homme dévoué se lève et nous emboîte le pas. Nous lui
demandons s’il a pensé à prendre son maillot de bain. Pas de réponse. Nous ne
restons que quelques minutes sur les lieux. Juste le temps de détailler le gros
tuyau rouillé d’où jaillit une eau sale qui se jette dans un grand abreuvoir. Demi-tour.
La nuit est tombée et nous levons la tête, remplis d’espoirs, vers le
ciel étoilé. Encore une déception. J’ai
personnellement vu des nuits étoilées méditerranéennes beaucoup plus
explosives. J’approuve le poète, car lui sait que les étoiles ne regardent
jamais en bas. Pas le temps de rêver que le gérant surgit pour nous annoncer
que la petite excursion du lendemain est fortement compromise pour cause de
véto de la police. Nous décidons de repartir pour le Caire. Alors, une autre
discussion animée s’engage à propos de la seconde nuit d’hôtel que nous devons
annuler.
Le lendemain matin, notre ange-gardien en personne nous accompagne à la
station de bus. En attendant le car, nous jouons à repérer les fonctionnaires
de l’Etat. On abandonne notre petit jeu en grimpant dans le bus. L’intérieur du
véhicule à l’air d’avoir été ravagé par un ouragan. Qu’importe, les vitres sont
blanches (enfin, presque) et nous allons enfin pouvoir jouir du spectacle sur
le long chemin du retour.
Ne vous attendez pas à de
nouvelles et très subtiles métaphores.
Julius Marx
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