Nous répondons à l’invitation d’une famille. Ils n’habitent qu’à un
bloc de notre appartement. Leur intérieur est en tous points semblable à ceux
que nous avons déjà eu la chance de découvrir, en Tunisie ou dans d’autres pays
du Maghreb. Deux salons (un « privé » et un « publique »)
pour recevoir les invités, et une table de salle à manger gigantesque, piquée d’une
bonne douzaine de chaises hautes aux pieds torsadés. Dans cette grande pièce
principale, seul l’écran plat de la télévision sans dorure ni fioriture, n’est
pas de style « quelque chose ».
Il faut tout d’abord trouver un langage commun. Nous optons pour une
langue anglaise, complétée de beaux adjectifs français et de mots populaires
égyptiens.
Les femmes échangent des propos de femmes, pendant que nous entamons,
le mari et moi, une conversation d’ordre général où il est beaucoup question d’économie
et de politique. En résumé, apprenez seulement que le pays sombre
inévitablement dans le chaos et qu’une fin tragique nous attend. A qui la faute ?
C’est une très bonne question. Je me dis que, comme la décoration si
particulière des maisons, dans toutes les contrées magnifiques que nous avons
déjà visitées, nos interlocuteurs pratiquaient tous sans exception le « c’était
mieux avant ! »
Puis, ces dames nous rejoignent pour aborder des sujets bien plus
palpitants et réjouissants comme la cuisine italienne, le savoir-vivre français,
les nouvelles énergies et la pollution.
On me passe l’assiette avec les inévitables « gâteaux de soirée ».
Je choisis un éclair au chocolat en pensant au sandwich-fromage-salade que je
vais manger dès mon retour.
Enfin, notre flamme s’éteint tout doucement. Dans un dernier sursaut,
le maître de maison veut me parler des vins siciliens tandis que sa femme nous
ressert un grand verre de jus de pomme.
Il est grand temps de prendre congé.
La pause de dix heures. Ma
compagne parle avec une collègue camerounaise.
-Avec tes diplômes, tes trois langues parlées couramment, tu pourrais
facilement trouver un emploi beaucoup mieux rémunéré…
-Oh, tu sais, avec ma peau, ici…
J'ai un projet secret: éliminer un à un tous les chiens de la résidence. Leur conversation m'ennuie. Ils ne savent qu'aboyer toute la journée.
J'ai un projet secret: éliminer un à un tous les chiens de la résidence. Leur conversation m'ennuie. Ils ne savent qu'aboyer toute la journée.
Un sourire, une main qui se
lève. Dans notre résidence surveillée, « les vieux », gardiens
ou jardiniers, sont toujours très heureux de me saluer. Nous n’avons jamais échangé
le moindre mot, pourtant, lorsque je serais très loin, je sais que j’aurais
beaucoup de mal à oublier ces saluts.
Julius Marx
Le Caire-Janvier 2017
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