vendredi 27 janvier 2017

La vie anecdotique (5)





Nous répondons à l’invitation d’une famille. Ils n’habitent qu’à un bloc de notre appartement. Leur intérieur est en tous points semblable à ceux que nous avons déjà eu la chance de découvrir, en Tunisie ou dans d’autres pays du Maghreb. Deux salons (un « privé » et un « publique ») pour recevoir les invités, et une table de salle à manger gigantesque, piquée d’une bonne douzaine de chaises hautes aux pieds torsadés. Dans cette grande pièce principale, seul l’écran plat de la télévision sans dorure ni fioriture, n’est pas de style « quelque chose ».
Il faut tout d’abord trouver un langage commun. Nous optons pour une langue anglaise, complétée de beaux adjectifs français et de mots populaires égyptiens.
Les femmes échangent des propos de femmes, pendant que nous entamons, le mari et moi, une conversation d’ordre général où il est beaucoup question d’économie et de politique. En résumé, apprenez seulement que le pays sombre inévitablement dans le chaos et qu’une fin tragique nous attend. A qui la faute ? C’est une très bonne question. Je me dis que, comme la décoration si particulière des maisons, dans toutes les contrées magnifiques que nous avons déjà visitées, nos interlocuteurs pratiquaient tous sans exception le « c’était mieux avant ! »
Puis, ces dames nous rejoignent pour aborder des sujets bien plus palpitants et réjouissants comme la cuisine italienne, le savoir-vivre français, les nouvelles énergies et la pollution.
On me passe l’assiette avec les inévitables « gâteaux de soirée ». Je choisis un éclair au chocolat en pensant au sandwich-fromage-salade que je vais manger dès mon retour.
Enfin, notre flamme s’éteint tout doucement. Dans un dernier sursaut, le maître de maison veut me parler des vins siciliens tandis que sa femme nous ressert un grand verre de jus de pomme.
Il est grand temps de prendre congé.


 La pause de dix heures. Ma compagne parle avec une collègue camerounaise.
-Avec tes diplômes, tes trois langues parlées couramment, tu pourrais facilement trouver un emploi beaucoup mieux rémunéré…
-Oh, tu sais, avec ma peau, ici…

J'ai un projet secret: éliminer un à un tous les chiens de la résidence. Leur conversation m'ennuie. Ils ne savent qu'aboyer toute la journée.


 Un sourire, une main qui se lève. Dans notre résidence surveillée, « les vieux », gardiens ou jardiniers, sont toujours très heureux de me saluer. Nous n’avons jamais échangé le moindre mot, pourtant, lorsque je serais très loin, je sais que j’aurais beaucoup de mal à oublier ces saluts.

Julius Marx
Le Caire-Janvier 2017

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