mercredi 4 janvier 2017

Suicide au large d'Egg Rock





Derrière lui les saucisses grésillaient en se craquelant
Sur les grils publics et l’ocre des marais salants,
Les réservoirs à gaz, les cheminées d’usine- ce paysage
D’imperfections dont ses tripes faisaient partie-
Ondulaient et vibraient dans le miroir de l’air.
Le soleil frappait l’eau comme une damnation.
Pas de creux d’ombre où se glisser,
Le sang lui serinait la vieille rengaine,
Je suis, je suis, je suis. Des enfants piaillaient
Là où les rouleaux se brisaient et où les embruns
Fouettés par le vent s’effilochaient à la crête des vagues.
Filant comme une flèche un roquet réussit
A déloger une bande de mouettes de la langue de sable.
Là, comme un feu mourant, sourd, aveugle,
Le corps échoué au milieu des ordures de la mer,
Machine s’entêtant à respirer et à vibrer.
Des mouches prirent d’assaut le crâne d’une raie morte
Et vrombirent sous la voûte des orbites creuses.
Les mots de son livre quittèrent les pages comme des vers
Tout se mit à briller comme une page blanche
Tout se rétrécit sous le rayon corrosif
Du soleil, sauf le roc dans le gâchis bleu.
Quand il entra dans l’eau il entendit
Le ressac sans mémoire qui écrème ces corniches.
Sylvia Plath
(Le Colosse)

sylviaplathinfo.blogspot.com

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