lundi 7 novembre 2011

Un chemin de croix et de croissants de lune


Pour fêter dignement Tabaski ( l'Aïd El Kebir, si vous préférez) nous décidons de rendre visite au vieil océan.
Au bas de l'escalier, dans la cour, nous croisons le mouton condamné à mort. Il nous suit du regard, un regard vide , le regard de celui qui sait.. On raconte que le mouton, dès qu'il est séparé de ses congénères et qu'il se retrouve seul, attaché à un arbre ou à un piquet dans une cour d'immeuble, comprend qu'il se passe quelque chose... mais, on raconte tellement de choses...
Direction Assinie. Quatre-vingt dix kilomètres avant de profiter de l'air marin, se rouler dans le sable fin et prendre  de méchants coups de soleil.
L'air marin se mérite. Il faut d'abord traverser les interminables bidonvilles qui encerclent la capitale. Un océan de baraques croulantes posées sur des mares d''eau croupie et de détritus. Seules les églises et les mosquées viennent rompre cette insupportable monotonie. En ce jour de fête, de longues files de pèlerins s'étirent en direction des  mosquées. Hommes, femmes et enfants forment un long serpent multicolore. Si les  minarets sont de construction souvent très artisanale, ils sont aussi nombreux que les pauvres pêcheurs! Mais, nous sommes dimanche et les autres églises font aussi recette. Eglises chrétiennes rachetées de Dieu, globales évangélique, internationales, de la délivrance, du christianisme célèbre ou glorieuses de Dieu: elles prient, chantent et dansent.
Puis, après Bassam, la route devient plus étroite, juste un très fin lacet ourlé d'une végétation luxuriante.
Toutes les nuances de vert sont au rendez-vous, finement tâchées, çà et là, d'oiseaux blancs.
Des ponts métalliques et courageux, enjambent pourtant la lagune. Sur l'un de ces ponts, nous croisons le premier barrage policier. Des herses aux clous émoussés sont disposées sur la route. On nous fait signe de passer...Tant mieux..
Plus loin, sur une colline, émergeant du vert océan, la proue d'une chapelle.


Dieu est avec nous... 

La route serpente maintenant entre les plantations d'ananas, de cocotiers et de palmiers. Les alignements sont strictes, des pelotons militaires au garde-à-vous.
Assinie nous accueille avec une publicité pour Orange Télécom. Nous bifurquons illico vers les vagues.
En pénétrant dans l'eau, nous comprenons tout de suite qu'on ne se mesure pas avec les vagues de l'océan, on se contente se les laisser vous balancer sur le sable comme des paquets encombrants.


 Mais, si l'océan est implacable la lagune sait  se  montrer apaisante. Pour le repas, pas de mouton, nous optons pour le poisson grillé. Y'a t-il une autre vie possible ? 
En fin d'après-midi, le policier débraillé et armé du second barrage de la journée vient nous rappeler la triste réalité. Il nous demande de l'argent pour acheter du mouton. Dommage, nous sommes totalement à sec. Il réfléchit, des gouttes de sueur perlent sur son front. Il décide finalement de nous laisser partir. Mais, avant, en souriant, il nous lance :" vous n'irez pas vous plaindre". Ce qui signifie que nous ne devons pas faire de réclamations à une autorité quelconque. Nous soupirons, Dieu est encore avec nous. 
Lorsque nous sommes de retour à la maison, l'odeur du charbon de bois nous chatouille les narines. Du mouton inquiet, il ne subsiste que la peau sanguinolente qui pend à la porte d'entrée, quelques os rongés et calcinés, sur le sol, dans la cour.
La fête est finie.
Dans notre logis, à l'abri des regards indiscrets, nous sortons notre butin du jour.


Bon appêtit
Julius Marx 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire