samedi 11 février 2012

Brasier



Naples brûle.
Après une sévère douce glacée, je  m'écroule sur le lit.
Le dos, le ventre, les côtés... finalement, le dos.
La fenêtre... le soleil a fini de se consumer, enfin.
Voici un quart de lune, presque horizontal. Dingue ! La belle se croit sous les tropiques!
La voûte du grand théâtre avec son rideau damasquiné d'étoiles, trop d'étoiles!
Avec cette brume, on ne devrait pas en voir autant.
Mais, un Napolitain est capable de repérer des étoiles là ou personne n'en voit,
et inversement, d'oublier le beau, le sublime, au profit du vulgaire.
Une autre douche.
J'abandonne la chambre et remonte le couloir.
Dans ce monastère de l'ordre de Don Calabria réservé aux sans-abris, les chambres cellules sont toutes désertées.Certains ont poussé les lits sur la grande terrasse, pour mieux entendre les chanteurs  sans doute.
 La ville palpite, claironne, pétarade, rugit et s'embrase de mille feux follets, encore l'Afrique!
Le long des murs, empilés, des tableaux des meubles et même, une grande cage avec un perroquet.
Quelle heure peut-il bien être? Pourquoi vouloir à tout prix marquer le temps? Ici, il s'échappe et personne ne songe à le retenir.
L'aube.. les radios hurlantes, les télés berlusconiennes, toutes les musiques de la terre crachées par d'invisibles haut-parleurs.
Les voilà qui sortent de leurs maisons de courants d'air, de leurs  cubes aux toits biscornus, ratatinés.
Drôles de girouettes en maillots de corps ou robes de chambre bigarrées. Ils se croisent, se frappent dans les mains. Comme après une explosion, on compte les survivants.
D'autres s'installent sur leurs balcons, profitant du moindre souffle du vent. Pour sortir, il faut avoir quelque chose à faire, non?
Les fenêtres s'ouvrent une à une. Les ruelles s'agitent de tremblements nerveux.
Grondements de ferraille et hennissements plaintifs, le camion des éboueurs lâche ses pets puants. Le niveau des ordures ne baisse pas, jamais.
La cheminée du boulanger toute proche crache en sifflant un énorme magma de vapeur molle  qui se traîne jusqu'aux nuages devenus sanglants.
Le ventre blanc de poisson d'un Boeing 737 transperce les nuages. La tempête nocturne s'achève, Naples se réveille encore.
Sous la dernière douche, je pense : pour sortir, il faut  avoir quelque chose à faire, non?
Alexandre Outis (Naples 2003- Instantanés scintillants en vrac.)

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