vendredi 3 février 2012

Invitation au voyage


Si vous aimez l'Ouest américain, sa faune, sa flore. Si vous aimez les états de l'Utah, du Colorado et du Nouveau- Mexique. Si vous ne croyez pas en l'existence d'un être suprême mais seulement au rocher sous vos pieds. Si vous aimez dormir sous les étoiles, manger des guimauves grillées au bois de genévrier et boire de la bière et du whisky. Si vous vous enivrez de phrases comme celles-ci :
"Pendant ce temps, l'unique vautour en vue tournoie paresseusement de plus en plus haut, contemplant la scène paisible sous lui. Il regarde le barrage, ouvrage parfait. Il voit en aval le fleuve vivant et en amont la retenue bleue, réservoir tranquille, où, pareilles à des dauphins s'égayent des vedettes. Il voit à  cet instant précis un couple de skieurs nautiques, tirés par des câbles tendus mais sur le point de sombrer. Il voit les reflets du métal et des vitres des voitures fumantes agglutinées en longue file sur le ruban d'asphalte vers Page, Tuba City, Kanab, Panguitch et au-delà. Il note, en passant, la gorge sombre du canyon principal, les chicots brisés du pont, la grande colonne de poussière jaune montant lentement des profondeurs du gouffre.
Comme un signal de fumée solitaire, comme le symbole silencieux d'un naufrage, comme un immense, muet et stupéfiant point d'exclamation révélant la surprise, le panache est suspendu au-dessus de la terre stérile, désignant en haut le ciel et en bas le théâtre de la cassure primale, la perte du lien, l'endroit où non seulement l'espace mais le temps se sont englués, se sont niés, reniés et finalement anéantis.
Sous l'oeil du vautour, néant, stérilité, sous cette oeillade ultime et lointaine, la brillance du plasma vers l'ouest, bien au-delà de toutes les contingences matérielles ou autres, la permanence..."
Si vos pensées à propos de la solitude s'approchent de celle-ci :
"Ainsi pensait-il, ainsi se voyait-il. La sensation de liberté était enivrante, quoique teintée d'une ombre de solitude, d'une touche de tristesse. Le vieux rêve de totale indépendance, qu'aucun humain ne caresse vraiment, flottait sur ses jours comme une fumée d'opium, comme du beau temps annonciateur de pluie.Hayduke savait bien , lorsqu'il regardait la réalité en face, que le solitaire parfait deviendrait fou. Quelque part dans les profondeurs de la solitude, au-delà de la vie sauvage et de la liberté, se cache le piège de la folie.Même le vautour, l'anarchiste au cou rouge et aux ailes noires, la plus indolente et arrogante des créatures du désert, aime, le soir venu,  retrouver sa famille pour tailler une bavette. Perchés sur les plus hautes branches d'un arbre dix fois mort, recroquevillés et drapés ans la robe noire de leurs ailes, ils caquettent comme une assemblée de prêtres intrigants. Même le vautour -fantastique pensée- construit son nid, s'accouple, couve ses oeufs et met au monde des petits ."
Si vous fréquentez des poètes, des révolutionnaires, des esprits indépendants, qui pensent comme vous que Ned Ludd (1) n'était pas un fou, et si vous êtes très fiers d'avoir lu jusqu'à la dernière ligne "La vie dans les bois" de  Henry David Thoreau. Si vous n'aimez ni la rhétorique politicienne ni celle des trusts technico-industriels démolisseurs de rêves. Si vous haïssez la musique qui marche au pas, les drapeaux et bannières, les insignes, les matraques, les badges et les casques qui brillent au soleil . Si vous êtes prêts à lire un grand roman où la nature occupe la place du personnage principal , alors, vous aimerez le  western épique d'Edward Abbey  " Le Gang de la clé à molette" (Gallmeister)
Bon voyage.
Julius Marx
(1) Homme qui, vers 1779, pris d'un accès de rage, mit en pièce deux métiers à tisser appartenant à un marchand de coton du Leicestershire.

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