Pour mon ami, mon frère, fils de Bologne la Rouge,
rencontré un matin du cruel avril.
Une salutaire alerte à la bombe avait jeté la totalité du personnel sur le trottoir.
Nous étions les seuls à sourire, à espérer secrètement que les quatre étages de paperasses
s'envolent en fumée.
Nous avons soupiré devant le geste insensé de la vieille secrétaire dévouée qui,
faisant fi de l'interdiction des flics, était remonté boucler le coffre-fort.
Aujourd'hui encore, mon ami, mon frère, que de soupirs à partager,
la Grèce flambe, et même en dehors de sa boite, le pantin chante encore.
Nos querelles me manquent.
Pour mon ami, mon frère, fils de Bologne la Rouge,
perdu un soir de juin, après une nuit de pétarade, en écoutant Johnny Cash
"San-Quentin, je déteste chaque centimètre de toi".
Je rêve d'un cadran solaire sur ta pierre tombale, avec l'inscription
"Je n'illumine que les heures claires."
Pour toi, mon ami, mon frère, fils de Bologne la Rouge,
ce poème de Pasolini, ton maître.
"Je suis une force du passé.
A la tradition seule va mon amour.
Je vis des ruines, des églises, des rétables, des bourgs abandonnés
sur les Appennins ou les Préalpes, là où ont vécu mes frères.
J'erre sur la Tuscolane comme un fou,
sur l'Appienne comme un chien sans maître.
Ou je regarde les crépuscules, les matins sur Rome,
la Ciociaria, l'univers, tel les premiers actes de l'Après-Histoire
auxquels j'assiste, par privilège d'état-civil,
du bord extrême d'un âge enseveli.
Monstrueux est l'homme né des entrailles d'une femme morte.
Et moi, foetus adulte, plus moderne que tous les modernes,
je rôde en quête de frères qui ne sont plus."
Pour mon ami, mon frère, fils de Bologne la Rouge,
Enfer ou Paradis, j'en déteste le moindre centimètre.
Julius
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