lundi 25 février 2013

Petit matin


Hommes
de sale caractère
Hommes de mes deux mains
Hommes du petit matin
La machine tourne aux ordres de Deibler
Et rouages après rouages
Dans le parfum des percolateurs
qui suinte des portes des bars et le parfum
des croissants chauds
L'homme qui tâte ses chaussettes
durcies par la sueur de la veille et qui les remet
Et sa chemise durcie par la sueur de la veille
Et qui la remet
Et qui se dit  le matin qu'il se débarbouillera le soir
Et le soir qu'il se débarbouillera le matin
Parce qu'il est trop fatigué
Et celui dont les paupières sont collées au réveil
Et celui qui souhaite une fièvre typhoïde
Pour enfin se reposer dans un beau lit blanc
Et le passager émigrant  qui mange des clous
Tandis qu'on jette à la mer sous son nez
Les appétissants reliefs
De la table des premières classes
Et celui qui dort dans les gares du métro
Et que le chef de gare chasse
Jusqu'à la station suivante
Hommes de sale caractère
Hommes de mes deux mains
Hommes du petit matin.

Robert Desnos

"Je sais que j'appartiendrai au chapitre de la curiosité limitée. Mais cela durera plus longtemps que beaucoup de paperasses contemporaines "
Original sur site http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/desnos.htm

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