lundi 18 février 2013

Renaissance


Les mots du poète apparaissent quelquefois surprenants, peut-être même désuets. Mais, avec le temps qui passe et la fluidité de cette vie qui s'écoule sans le moindre évènement remarquable, on commence à en saisir le sens. Ils deviennent plus vifs, plus précis et finissent par éclairer ce qu'ils avaient assombri.
Ils transforment notre rythme et redonnent à notre quotidien sa banalité magique. Alors, on ne peut plus regarder, penser ou sentir de la même façon. Un simple bouleau devient un refuge pour d'innombrables oiseaux colorés avec des feuilles qui frissonnent et bruissent sans trêve comme autant de minuscules clochettes.Le  Dieu crépuscule lui-même, devient Or.

"Le Dieu d'or du crépuscule verse un baiser sur les grandes figures délavées sur les murs des hauts palais, les grandes figures qui aspirant à lui comme à un souvenir plus antique de gloire et de joie.
Un bizarre palais du dix-huitième siècle dépasse à l'angle d'une rue, seigneurial et fat,fat de son antique noblesse méditerranéenne. Aux petits balcons les soutiens de marbre se tordent en eux-même avec bizarrerie. La grande fenêtre verte enferme dans le secret des volets la capricieuse spéculatrice, la tyranne agile brune rosée, et la rue baroque vit d'une double vie: en haut dans les trophées de craie d'une église les anges joufflus et blancs défont leur pompe conventionnelle tandis que dans la rue les perfides jeunes filles brunes méditerranéennes, brunies d'ombre et de lumière, se chuchotent à l'oreille à l'abri des ailes théâtrales  et on dirait qu'elles fuient chassées vers quelque enfer dans cette explosion de joie baroque: tandis que tout se noie dans le doux bruit des ailes battues des anges qui remplit la rue."
Dino Campana
Crépuscule méditerranéen 
( Canti Orfici -Chants orphiques)
Traduction Cristophe Mileschi
Editions L'âge d'homme
1988
Illustration : Campana de Simone Lucciola et Rocco Lombardi (Giuda Editions 2011)

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