mardi 2 avril 2013

Ratissage à Tombouctou



Soigneusement  caché entre les passionnants  articles des différents portails d'actualités, on peut ( si on a l'âme Polar) dénicher un bon (voir un très bon) roman noir.
Ainsi , juste en dessous du captivant débat entre internautes votant pour déterminer une bonne fois pour toute "qui a les plus gros nénés de Jennifer Lopez ou Shakira"?, la vidéo délirrrrante d'un chien avec des lunettes, ou le déchirant sujet de société  sur la reconversion des boys-band des années 80, on peut lire ce titre énigmatique "  Ratissage à Tombouctou".
Aussitôt, notre imaginaire de lecteur s'emballe à la vitesse d'un half-track. Voici la piste rectiligne, les quelques rochers hérissés de pointes, probablement lancés du ciel par un démon facétieux, les buissons encore grésillants. Et puis, au milieu des tourbillons de poussière rouge, de cadavres finissant de se consumer et tassés les uns sur les autres, notre Héros!
L'agent très spécial, le serviteur du monde libre, le défenseur des pauvres et des opprimés, des veuves et des orphelins. Bien sur, l'homme a ses contradictions. Après le turbin, ce soir, il dînera chez Monsieur l'ambassadeur et baisera probablement sa femme, conversera longuement avec les dirigeants des sociétés pétrolières très inquiets de "la tournure des événements" et finira le saladier de punch avant d'aller longuement admirer la lune dans le fond du jardin. Et, devant le visage inquiet de son  chauffeur-serviteur autochtone (qui mourra au début du dernier chapitre ) il lancera : "Saleté de métier" avant de vomir sur le fox-terrier de la maison.
Alors, imaginons justement les dernières lignes du dernier chapitre de Ratissage à Tombouctou.

Bob revint en courant vers la voiture. Mamadou l'accueillit en faisant des grands gestes. Bob remarqua que des flots pourpres se déversaient de sa bouche grande ouverte. Des flammes longues comme le bras jaillissaient de la terre et du ciel.Des éclats sifflaient dans l'air, ça saignait de partout! Un arbre s'écroula dans un grand bruit.  Bob en profita pour s'allumer une cigarette. Il rejeta la fumée par les narines en soupirant. Puis,  il marcha lentement  en direction de la voiture. En haut, dans le ciel damasquiné d'étoiles, trois jaguars faisaient des loopings. Dépassant des ailes comme des dards mortels, leurs mitrailleuses transperçaient de trous gros comme le poing la façade illuminée de la résidence de l'ambassadeur. Bob s'adossa à la portière de la voiture et admira le spectacle.
Et, elle vint à la fenêtre. Bob saisit à deux mains les restes de la vitre baissée et regarda son visage sans se lasser. Sa bouche s'essayait à un sourire moqueur. Elle retira une main de sa poche et la promena sur le front et dans les cheveux blonds de Bob. Son visage était illuminé par le regard puissant de l'homme et le feu d'artifice venu du ciel. Elle dit :
-Toute cette saleté et toute cette misère..."
-Oui, répondit Bob.
-C'est toi  qui m'a dit un jour que l'univers était soumis à des contradictions? demanda la fille, en incurvant encore le rouge de ses lèvres.
-Oui, répondit Bob.
Puis, alors que le ciel se calmait enfin, il s'éclaircit la voix et, avec une lenteur théâtrale dit :
-Tu sais par Schopenhauer que le monde est volonté et représentation. Il s'en tient à cette découverte et ne va pas plus loin. Mais en fin de compte, ces deux éléments doivent se trouver réunis en un seul être d'une puissance et d'une intelligence terrifiantes.
-Embrasse-moi, fit la fille dans un drôle de gémissement.
Il était minuit et un morceau de lune apparut dans le ciel de Tombouctou.
FIN

Julius Marx 
Photo : Riff-Raff -1947- (Pat O'Brien -Anne Jeffreys)

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