Un jour, c’était
un dimanche, je rejoignis Pasqualino dans sa boutique comme à l’accoutumé. Il
chargeait son Leica et me dit qu’il devait aller photographier une « réunion »
de ménagères paysannes. J’étais épouvanté à l’idée profondément triste d’affronter
seul cet après-midi dominical et décidai de l’accompagner. Nous prîmes la route
de la mer appelée « riviera », promenade qui me plaît beaucoup. La
mer avait sa parure hivernale, jaune, écumeuse, et, tout en marchant sur le
sable, loin des maisons, nous abordâmes des sujets habituels, qui ne nous
ennuyaient jamais. Nous aurions pu continuer de parler ainsi jusqu’au soir, ce
qui est, je crois, la condition nécessaire d’une solide amitié. La mer
participait à la conversation. Inutile de rappeler la mélancolie qui émane de
la mer l’hiver, le spectacle tonique des vagues qui glissent sur le sable et
apportent l’écume presque jusqu’à vos pieds. Dans cette région(1), le vent du nord
plie les pins dès qu’ils dépassent un mètre de haut et les fait pousser de
guingois. De sorte que s’il n’y a pas de vent, l’illusion persiste, presque
théâtrale, et également tonique.
Ennio Flaiano
(Les photographies)
Autobiographie du Bleu
de Prusse
(1) La région dont parle le narrateur est
celle des Abruzzes dont il est souvent question dans ce blog. Quant à la photo qui illustre ce texte, elle a été prise à Venise, le pays où naissent les illusions.
merci pour ce si beau texte que j'ignorais
RépondreSupprimerla mélancolie est décidément une délicieuse compagne
sinon, je n'oublie pas que je dois te lire et ce sera fait très bientôt, mais le quintal de bouquins dans l'antichambre par obligation professionnelle