Les paroles
de Kay à la fin de l’article commençaient à prendre des accents de sincérité et
je me demandai comment Blanchard pouvait vivre avec elle sans la posséder
complètement.
Les lumières
des maisons s’éteignirent une à une, et je me retrouvai seul. Un vent froid
descendit des collines ; je frissonnai et obtins ma réponse.
Le match est
fini, vous venez de gagner. Trempé de sueur, un goût de sang aux lèvres, vous
planez avec les étoiles, vous en voulez encore, prêt à y aller. Ceux qui font
du pognon sur votre dos vous amène une fille. Une pro, une semi-pro, une amateur
qui aime retrouver sur ses lèvres le goût de son propre sang. Vous faites ça
debout dans les vestiaires, ou sur une banquette arrière, sans la place pour
étendre vos jambes au point qu’il vous arrive de défoncer les vitres latérales.
Quand vous vous retrouvez dehors après ça, la foule se rue sur vous comme un
essaim de mains qui cherche à vous toucher, et vous planez très haut, une fois
encore, avec les étoiles. Ca devient une partie dans la partie, le onzième
round d’un combat en dix rounds. Et lorsque vous retournez à la vie de tout le
monde, il ne vous reste qu’une faiblesse, quelque chose que vous avez perdu. Pour
autant qu’il était resté éloigné de la partie, Blanchard devait obligatoirement
savoir tout ça. Il fallait qu’il veuille garder son amour pour Kay étranger à
tout ça.
Je remontai
en voiture en direction de la maison, et je me demandais si je dirais jamais à
Kay que je n’avais pas de femme à moi car l’amour avait pour moi un goût de
sang, qui se mêlait aux odeurs de résine et d’hémostatique.
James Ellroy
Le Dahlia Noir
Image : Ava Gardner et Burt Lancaster (The Killers-R.Siodmak-1946)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire