lundi 13 juin 2016

Le Polar Est Amour (28)




Les paroles de Kay à la fin de l’article commençaient à prendre des accents de sincérité et je me demandai comment Blanchard pouvait vivre avec elle sans la posséder complètement.
Les lumières des maisons s’éteignirent une à une, et je me retrouvai seul. Un vent froid descendit des collines ; je frissonnai et obtins ma réponse.
Le match est fini, vous venez de gagner. Trempé de sueur, un goût de sang aux lèvres, vous planez avec les étoiles, vous en voulez encore, prêt à y aller. Ceux qui font du pognon sur votre dos vous amène une fille. Une pro, une semi-pro, une amateur qui aime retrouver sur ses lèvres le goût de son propre sang. Vous faites ça debout dans les vestiaires, ou sur une banquette arrière, sans la place pour étendre vos jambes au point qu’il vous arrive de défoncer les vitres latérales. Quand vous vous retrouvez dehors après ça, la foule se rue sur vous comme un essaim de mains qui cherche à vous toucher, et vous planez très haut, une fois encore, avec les étoiles. Ca devient une partie dans la partie, le onzième round d’un combat en dix rounds. Et lorsque vous retournez à la vie de tout le monde, il ne vous reste qu’une faiblesse, quelque chose que vous avez perdu. Pour autant qu’il était resté éloigné de la partie, Blanchard devait obligatoirement savoir tout ça. Il fallait qu’il veuille garder son amour pour Kay étranger à tout ça.
Je remontai en voiture en direction de la maison, et je me demandais si je dirais jamais à Kay que je n’avais pas de femme à moi car l’amour avait pour moi un goût de sang, qui se mêlait aux odeurs de résine et d’hémostatique.
James Ellroy

Le Dahlia Noir
Image : Ava Gardner et Burt Lancaster (The Killers-R.Siodmak-1946)

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