A la tombée
du jour, je me suis promené seul dans les bois pendant une heure. J’allais, me
répétant tout bas le mot « amour »- dans l’espoir où j’étais qu’une
réflexion profonde, originale ou drôle me viendrait à l’esprit.
Je disais :
« L’amour…quand l’amour…si l’amour…l’amour…l’amour… » et c’était malgré
moi des refrains de chanson qui me venaient à la mémoire.
De tout ce
que j’avais entendu, de tout ce que j’avais lu, de tout ce que j’avais dit
moi-même, il ne restait que des refrains – des refrains qui, liés les uns aux
autres, ne formaient plus qu’un grand refrain berceur, doux et mélancolique.
J’avais beau
faire un grand effort pour évoquer l’amour sous une forme plus haute, je ne
parvenais pas à lui donner les ailes immenses dont souvent on le pare. J’avais
beau me répéter qu’il est plus fort que tout, qu’on se ruine pour lui, qu’on
vole et qu’on se tue, j’avais beau me souvenir et me battre les flancs- c’était
en vain. Dans le silence de cette allée que j’arpentais, les mots qui me
venaient étaient toujours les mêmes.
Alors, j’allais
dans le passé. Je réveillais tous les amants héroïques d’autrefois afin d’en
tirer quelque chose.
Hélas !
Des serments
éternels, des promesses infinies, des sanglots prolongés, de tout ce passé dans
lequel je plongeais mes regards et mes mains, il ne restait plus que des
petites mèches de cheveux…quelques fleurs fanées… des bijoux bon marché…des
fins de lettres…des commencements de phrases…des points de suspension, des
petites tâches, un peu de sang…des points d’exclamation…des « oh ! »…des
« ah ! »...des cris…des baisers…des baisers très longs…des
baisers très courts volés à quelqu’un…des silences, des silences interminables…des
murmures, des plaintes étouffées…des soupirs…d’autres cris…des silences
différents…et puis, des mots…des mots…des mots méchants...des mots cruels…des
mots incompréhensibles…des sobriquets…de petits mots… des mots moyens… et de
grands mots, le mot « toujours »…le mot « jamais »…et le
mot « adieu » qui revient tout le temps, tout le temps…et puis des
vers…des vers…beaucoup de vers… des vers très longs, mais très fragiles et qui
se cassent en morceaux pour qu’on puisse facilement les mettre en musique- et
les refrains de chansonnette recommençaient dans ma mémoire leur danse
nostalgique et triste et souriante…
Sacha Guitry
(Toutes réflexions
faites)
Photo : La belle et enivrante Hedy, bien sûr.
Photo : La belle et enivrante Hedy, bien sûr.
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