Nous nous
sommes mariés trois jours plus tard, le 2 mai 1947. Ce fut du travail à la va-vite,
le chapelain protestant du L.A.P.D. bénit notre union et le service se déroula
dans la petite cour à l’arrière de la maison de Lee Blanchard. Kay portait une
robe rose afin de tourner en dérision son absence de virginité ; je
portais mon uniforme bleu. Russ Millard était mon témoin et Harry Sears était
venu comme invité. Il commença par bégayer et, pour la première fois, je vis
que c’était précisément son quatrième verre qui mettait fin au bégaiement. J’obtins
l’autorisation de sortir mon vieux de sa maison de repos : il ne savait
plus du tout qui j’étais, mais, apparemment, il passa un bon moment- à téter la
bouteille de Harry, à suivre Kay comme un toutou, à sautiller au son de la
musique à la radio. On avait disposé une table avec sandwiches et punch, fort
et doux. Tous les six, on mangea, on but et des gens qui nous étaient
totalement inconnus entendirent la musique et les rires en allant sur le Strip
et s’invitèrent à notre petite fête. A la tombée du jour, la cour était pleine
de gens que je ne connaissais pas et Harry fit un saut jusqu’au Hollywood Ranch
pour rapporter bouffe et gnôle en rab. Je déchargeai mon revolver réglementaire
et laissai des civils inconnus jouer avec lui, et Kay dansa des polkas avec le
chapelain. Lorsque l’obscurité se fit, je n’ai pas voulu que ça se termine et
je suis allé emprunter des guirlandes de Noël chez les voisins pour les
accrocher ensuite sur la porte, la corde à linge et le yucca préféré de Lee. On
dansa, on but, on mangea sous cette constellation factice aux étoiles rouges,
bleues et jaunes. Aux environs de 2 heures du matin, les clubs du Strip se
vidèrent, les fêtards du Trocadéro et du Mocambo débarquèrent dans la fête et
Errol Flynn passa un moment parmi nous avec sur les épaules, ma veste garnie d’insignes
et de médailles gagnées au tir. Si l’orage n’avait pas éclaté, la fête aurait pu
continuer à jamais- et c’était ce que je désirais. Mais la foule se sépara au
milieu des baisers et des embrassades pressées, et Russ reconduisit mon vieux à
son trou de repos. Kay Lake Bleichert et moi-même, nous nous sommes alors
retirés dans la chambre pour faire l’amour, et je laissai la radio allumée pour
m’aider à me distraire de Betty Short. Ce n’était pas nécessaire – elle ne me
traversa même pas l’esprit.
James Ellroy
Le Dahlia Noir
Image : Betty Grable I wake-up screaming (Bruce Humberstone-1941)
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