jeudi 5 avril 2012

Petit hommage à Léonard de Vinci



Par ce dimanche dégueulasse de pluie sur San Francisco, j'ai eu une vision de Léonard de Vinci.
Ma femme est au boulot, elle n'a pas de jour de congé, elle travaille le dimanche. Elle est partie ce matin à huit heures pour Powell and California.
Je suis resté là accroupi comme un crapaud sur une souche à rêvasser de Léonard de Vinci.
J'ai rêvé qu'il était employé par la South Bend Tackle Compagny , qui fabrique des accessoires de pêche. Naturellement, il ne portait pas les mêmes vêtements, et il ne parlait pas de la même façon. Peut-être même son enfance avait-elle été différente: une enfance américaine, par exemple passée dans une ville comme Lordsburg, au Nouveau-Mexique, ou à Winchester, en Virginie.
Je l'ai vu inventer une nouvelle cuiller pour la pêche à la truite en Amérique. Je l'ai d'abord vu qui faisait fonctionner son imagination, puis travailler le métal, la couleur, l'hameçon, essayer ceci et cela, avant d'y ajouter le mouvement, pour l'ôter ensuite, puis le remettre, différent, inventant finalement la cuiller.
Il a appelé ses patrons, ils ont regardé sa cuiller et ils sont tous tombés évanouis. Seul debout au milieu de ces corps étendus, il tenait sa cuiller, qu'il baptisa "la Cène". Ensuite, il a porté secours à ses patrons.
Cette cuiller fut bientôt la révolution du siècle, dépassant de beaucoup en sensationnel Hiroshima ou le Mahàtmà Ghandhi.
On vendit en Amérique des millions de "Cène" . Bien que n'ayant pas de truites, le Vatican commanda dix mille cuillers.
Les lettres de félicitations arrivaient par pleins sacs. Trente-quatre présidents des Etats-Unis affirmèrent: "Grâce à" la Cène ", j'ai battu mon record personnel."
Richard Brautigan 
(La pêche à la truite en Amérique)
(10/18)

J'ai lu dans un bouquin (je préfère pas me rappeler lequel) que Brautigan était un auteur pour adolescents boutonneux. Alors, disons que je rajeunis et que je ne vois aucune raison valable (au moins pour le moment) de ne pas me faire plaisir une fois de plus. Ce texte était pour nous : les adolescents.
Julius Marx

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