mercredi 12 septembre 2012

Une voix de chambre à coucher



Elle n'avait pas l'air vraie. La trentaine éclatante, brune, très grande, cheveux longs dans le dos, l'oeil  immense et profond, grande bouche, lèvres siliconées mais pas par un chirurgien, par la nature, belle dents pour manger la chair vive, grandes boucles de gitane. Et gitanes étaient aussi la jupe et le chemisier gonflé par deux boules de tournoi international de pétanque. Elle n'avait pas l'air, mais elle était vraie!
Montalbano eut l'impression de la connaître, mais ensuite il comprit que c'était un souvenir visuel passque la femme aressemblait à une actrice de cinéma mexicaine des années 50 qu'il avait vue dans une rétrospective.
Montalbano l'écoutait, sous le charme. Elle avait une voix de chambre à coucher, impossible de la définir autrement. Il suffisait qu'elle dise bonjour et on pinsait immédiatement à des couvertures entortillées, des oreillers tombés à terre, des draps trempés de sueur odorant la cannelle.
L'accent espagnol qui ressortait quand elle parlait longtemps ajoutait son piquant.
-...Une carte postale, dit Dolores.
Montalbano, perdu derrière cette voix, s'était distrait, en pensant justement à des lits défaits, des nuits torrides avec un fond sonore de guitare.
-Pardon, vous dites?
Dolores se pencha en avant. Montalbano avait les bras posés sur le bureau. La femme appuya sa main, chaude comme si elle avait la fièvre, sur celle du commissaire, ses doigts se glissèrent sous les poignets de la chemise, lui caressèrent légèrement la peau avant de l'agripper.
-Aidez-moi, l'implora-t-elle.
-B...bon, dit Montalbano.

Andrea Camilleri
(Le champ du potier)
Traduction Serge Quadruppani
Fleuve Noir

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