lundi 10 mars 2014

Rue Agnes




 2433, rue Agnes. Premier chez-soi, dernière maison de Missoula

Le calme bien assuré. Une Plymouth verte prend racine en face dans la rue.
La dame au 2428 clopine avec une canne et, à mon ouest, les champs s'étendent infinis
de la montagne en pleine mer, j'imagine.
Un chien tricolore sans voix.
Entre 2428 et 2430, je devine un poulailler délabré deux rues plus loin.
Sur son toit, de la mousse, peut-être, les fenêtres béantes pour sûr,et, certitude tragique,
aucune volaille, mais,belle évidence,
une pile de bois grisâtre dans un terrain vague.

Un premier matin embrumé. Une couverture froissée de nuages crasseux
se traîne vers le nord-est, sans que la pluie menace, et assombrit les Rattlesnake.
Une femme bouge au 2430, silhouette de fantôme derrière ses rideaux suisses à pois.
Elle conduit une Falcone vert pâle.
Un quartier où l'on ferait durer les existences comme des voitures.
Peu d'enfants en vue.

Je suis partagé. D'abord, personne ne devait posséder la terre. On ne peut honorer
ses biens propres.
Imaginons donc des esprits maîtres du sol qui en font bonne mesure,
rendent au moins ce qu'on en tire et remboursent en rites de merci indiens.
Et, quand j'achète, le rôle grossier de l'argent gage sans détour
une part de moi que je devais garder.
Mais cinquante bruants au moins s'agitent et picorent ma pelouse.

Richard Hugo
(La dame du bassin de Kicking Horse)
La version originale ici :
http://allpoetry.com/poem/8511889-The-Lady-In-Kicking-Horse-Reservoir-by-Richard-F-Hugo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire