Peut-être
vous souvenez-vous de mon gardien, coincé dans sa minuscule guérite de fer
blanc ? Aujourd’hui, le gardien a changé et sa guérite également. Si la
structure est restée identique, les autorités de la résidence ont fait ajouter
à la boite un charmant petit toit bleu en forme de tétine. Mais, qu’importe,
mon nouveau gardien ne s’attarde jamais dans sa nouvelle maison. Il fuit
maintenant le soleil brûlant pour l’ombre d’un flamboyant sous laquelle il a
posé une chaise rafistolée. Chaque matin et chaque soir, il arrose sans compter
une plante à peine plus grosse qu’une brindille que son prédécesseur à planté
juste à côté de la guérite. Si l’on s’approche de plus près, on peut voir deux
minuscules feuilles au somment de la plante. Je pense qu’il n’a jamais vu La grande Illusion.
Dans la cour
de récréation de l’école française, c’est le jour de la photo de classe. Dans leur
uniforme orange et bleu, les enfants tardent à se placer. La maîtresse tente
vainement de mettre un peu d’ordre dans ses rangs. Lorsque la directrice arrive
accompagnée du photographe tout le monde se calme. Elle frappe dans ses mains
et le silence s’installe.
-Bon, les
enfants, nous allons prendre la photo. J’espère que vos parents ont tous pensé
à vous amener chez le coiffeur pour faire défriser vos cheveux. Souriez !
8 heures du
matin, dans le magasin d’alimentation de la résidence. 8 heures, pour les
employés de la boutique et pour l’ensemble des travailleurs de la résidence, c’est
un peu l’aube. Ici, l’essentiel se déroule la nuit et chacun traverse
péniblement les heures de la journée, avide de crépuscule. Le responsable des
commandes, un grand gaillard aux lèvres lippues, est assis près de la caisse. Manifestement,
il a beaucoup de mal à garder ses yeux ouverts. Pourtant, l’arrivée d’un des
livreurs de l’imposante brigade du magasin va le réveiller. Le nouveau venu
porte une très grosse pastèque sur l’épaule. Lorsqu’il remarque que le fruit
est collé à son oreille, le responsable se lève et lance, avec un sourire
désarmant :
-Tiens, tu as
changé de téléphone portable ?
Le caissier,
les gamins qui lavent le sol carrelé et les quelques clients se mettent à rire.
La journée
peut commencer.
En quittant
le magasin, je pense bien entendu à Albert Cossery et à cette fameuse dérision.
« Intellectuels
ou charretiers, marchands d’or ou mendiants, tous personnage à l’allure de
prince exclu du festin royal, mais maniant allègrement l’insolence et l’humour
contre toutes les formes de domination. Car ici, même les ânes quand ils braient,
semblent se moquer du monde. »
Julius Marx
Cher Julius, merci pour ces 3 super moments !
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