"J'aime lire allongée sur un canapé, mais ceci n'est pas une profession, hélas." Fran Lebowitz
vendredi 4 février 2011
Une petite visite chez Franz
Vingt et unième jour (après B.A.)
Ce matin, une charmante petite excursion jusqu'au bureau des étrangers.
C'est une sorte de rite, de passage obligatoire pour nous tous ; les immigrés.
Le bureau est planté en plein coeur de la zone touristique. D'habitude, on a souvent beaucoup de mal à se garer à proximité des hôtels mais, ce matin, l'endroit est désertique, c'est un coup de chance, enfin, façon de parler. De la chance, il en faut une bonne dose pour réussir dans les nombreuses démarches. Si, dans cette respectable administration, le pourcentage d'employés à avoir lu totalement l'oeuvre de Kafka, est moindre, il faut pourtant admettre que tous s'emploient à faire perdurer avec une ténacité rare son univers.
Le premier obstacle, c'est de deviner les heures d'ouverture et de fermeture. Le deuxième est de trouver un employé à son poste. Si l'on passe avec succès ces deux tests importants, on a le droit de poursuivre sa course. L'ultime épreuve étant à géométrie variable selon la nature de votre problème.
Dans tout les cas, il faut posséder des notions conjuguées de comptabilité, de psychologie et d'art dramatique. Mais surtout, il faut être tenace, ne jamais se décourager et comprendre que Dieu lui même veille sur l'administration. Il serait donc malséant, voir blasphématoire, de remettre en cause son fonctionnement.
Dans l'escalier, nous croisons une connaissance. Nous échangeons une fois encore nos points de vue sur la situation. Il nous révèle que la veille, des hommes sont passés par-dessus le grillage de son usine avec des couteaux et des bâtons. Ils demandaient du travail. Il nous apprend également qu'une partie des employés du Port de Tunis est en grève. D'après lui, la situation ne risque pas de s'améliorer de sitôt.
A l'étage. Il fait froid, très froid même... Ici, tous les fonctionnaires travaillent avec leur manteau sur les épaules. Dans son petit bureau d'angle, nous retrouvons la jeune femme qui peut nous aider.
Elle porte un joli bonnet , une écharpe et des gants tricotés dans la même pelote. Je pense que j'ai souvent pesté dans mes rapports avec l'administration en général et tant de fois encore ironisé sur les fonctionnaires qu'une jeune femme portant ce genre d'uniforme m'aurait permis d'étaler tout un tas de situations comiques. Mais, ce matin, en fixant la fille qui ne doit pas avoir plus de 25 ans, je n'ai pas vraiment envie de plaisanter.
Le contenu de notre conversation tourne autour de la somme que l'on va devoir débourser pour avoir le droit de sortir du territoire.Timbre de voyage, timbres amendes à montants divers.... C'est un fait, sous B.A, nous sommes tous devenus des philatélistes! Une fois que les deux parties en présence sont d'accord sur le montant, la situation se décrispe et devient beaucoup plus chaleureuse. En découvrant, sur son passeport, la photo de ma fille, l'employée nous félicite.
-Elle est belle cette demoiselle.
Les parents sont aux anges.
Nous parlons de la difficulté d'élever des enfants, dans ce monde qui, on le sait, est de plus en plus dur et implacable etc..
Plus tard, ma compagne me demande combien de personne, à mon avis, parle de leur belle petite fille avec une préposée de l'administration.
-Il y en a peut-être plus que l'on ne croit, je réponds, en comptant une dernière fois les timbres sur mon passeport.
Julius Marx
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