mercredi 9 février 2011

Parle plus bas...


Vingt-sixième jour (Après B.A.)
L'image préférée des médias français  (et elle arrive largement en tête devant  l'homme occupé à s'essuyer les pieds sur un portrait de BA ou le reportage du " fantastique destin" de ce blogueur devenu ministre) est incontestablement celle montrant une petite troupe de badauds s'agglutinant  devant la vitrine d'une grande librairie de Tunis. Mais, que peuvent bien regarder ces passants? Les couvertures (car de livres il n'y a point) des ouvrages interdits jusqu'ici dans l"empire BA. Dieu comme la démocratie est belle! Pouvoir enfin admirer la photo du courageux opposant, s'enivrer du doux parfum de  la rébellion !
La réalité est tout autre. Tout ce que ces livres révèlent sur le couple diabolique et bien d'autres choses encore, tous le monde le savait, et depuis pas mal d'années.
Le journaliste français reste donc persuadé d'écrire un bien beau billet et même, pourquoi pas, d'apporter sa modeste contribution à la belle révolution.
Le journaliste (qui, on le sait, n'a pas le temps de creuser un peu les choses, c'est comme ça, l'Egypte n'attend pas..) devrait pourtant savoir que la censure, dans ce pays, est une affaire plutôt complexe.
Parlons tout d'abord de livres. Dès notre arrivée, après une marche forcée de six jours ouvrables dans les méandres du port (je n'exagère pas, croyez-moi) nous avons enfin  pu repérer nos deux malles envoyées de France. La première question du douanier, en nous voyant nous jeter sur les deux trésors et les couvrir de baisers, fut la suivante : avez vous des livres à l'intérieur de ces malles?
La réponse positive qui suivit lui arracha un demi sourire. Il nous fallait donc nous rendre au ministère de l'intérieur  avec la liste des ouvrages (à l'intérieur des malles) dans le but d'obtenir un visa d'entrée pour les dits ouvrages.
Et ce n'est qu'avec cette liste tamponnée et biffée par un haut responsable que nous avons pu enfin récupérer nos malles. Nous avons donc eu le loisir de détailler  les critères subversifs de ce haut fonctionnaire. En premier lieu, pas de manifestes religieux et radicaux. Ensuite, surtout pas de livres politiques et enfin, pas de cassettes vidéos.
La semaine suivante, je me rendais dans la fameuse librairie et achetais sans aucun problème "La violence et la dérision" d'Albert Cossery ! Lisez-le et ensuite, vous comprendrez...
L'autre forme de censure est la censure morale. Au nom de la sainte morale, on interdit par exemple; les images de sexe sur internet (même si le message a changé, elle existe toujours) ou les personnages qui s'embrassent dans les feuilletons.
Plutôt cocasse comme morale, dans un pays où les hommes mariés se livrent à toutes sortes de petits "jeux", tromperies, corrections, viols etc...
Enfin, c'est aussi au nom de la morale que l'on ne parle jamais d'alcool car, on le  sait, chez nous, il n'existe pas.
C'est donc pour une tout autre raison que l'on retrouve régulièrement des conducteurs ivres lorsque l'on porte secours aux accidentés de la route.
Ivres de quoi, de liberté probablement.
Julius Marx

1 commentaire:

  1. J'aime bien celui-ci, je trouve que tu as tout à fait raison. Rien que de penser à cette histoire de malle ça me donne des frissons..

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