lundi 19 septembre 2011

Une histoire de temps






Déjà trois semaines : il faut s'habituer au climat. La promenade dans les rues de A, en Tunisie devient ici une véritable épreuve sportive. Dans un premier temps, il faut apprendre à marcher en prenant garde de ne pas mettre le pied sur la route. Le piéton est un être téméraire qui  aux yeux des automobilistes ne représente qu'un obstacle de plus sur leur route  déjà semée d'embûches en tout genres (trous, travaux non balisés, cyclistes, laveurs de pare-brise, vendeuses de bananes, revendeurs de portables derniers modèles, marchands de bimbeloterie chinoise et uniformes divers.)
Et puis, il y a la chaleur.L'insidieuse chaleur  qui  transforme, avec son petit copain le taux d'humidité , le paisible promeneur en un drôle de poisson (genre carpe). La victime du maléfice passe son temps à ouvrir  grand la bouche tous les trois pas pour respirer.
 Cette épreuve surmontée, le vivaneau africain va devoir en affronter une plus compliquée encore, nous l'appellerons l'épreuve du  regard.
Ceux que je  croise sont des regards tristes, désabusés. Ce sont des masques, des poses, et l'affirmation d'une indifférence totale envers notre monde.
Le malaise est constant et ces yeux me frappent beaucoup plus durement que la vision des barbelés sur les toits qui envahissent les antennes paraboliques comme des mauvaises herbes. Beaucoup plus encore que les rencontres avec ces soldats chargés de la sécurité (les groupes sont tellement nombreux que j'ai renoncé à les différencier). Ils sont tous armés et les petits détails de leur uniformes (baskets à la place des Rangers réglementaires, ou tee-shirts de Bob Marley ) qui devraient me faire sourire, peut-être,  au contraire m'assomme.
L'épicier (qui m'appelle tonton, j'espère que ce n'est pas une référence à Mitterrand) me sourit. Ah! Enfin.
Oui, mais, je ne distingue que son visage derrière la grille qui le protège. J'ai beaucoup de mal à répondre à son sourire. Les barreaux sont d'un diamètre imposant, j'ai peine à voir son étal. Beaucoup de marchandise vendue à l'unité, du pain très blanc, des cigarettes. Qu'est-ce qui me ferait plaisir, du soda américain, des cartes téléphoniques d'une couleur bien française?
Il faut aussi bien calculer son temps de trajet. Le retour vers le camp de base est souvent très pénible. On ne cherche plus à se mesurer avec le taux d'humidité, on le fuit.
Devant l'immeuble des gosses s'amusent sur un tas de sable. Ils font des sauts périlleux comme leur idole (Drogba, le roi des footballeurs). Ils ont du sable dans leurs cheveux crépus. J'aime leurs cris d'enfants, leurs rires libérés. J'aimerai qu'ils crient et qu'ils rient encore plus fort.
Le ciel est opaque (couleur intérieur pot de chambre dirait Flaubert). La météo n'est pas très optimiste mais peut-on se fier à ses prévisions? De tous les temps, c'est bien le futur que l'Afrique maîtrise le moins.
Julius Marx

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