lundi 18 juin 2012

Histoires comme-ci, comme çà (16)

Comment je suis entré dans la grande famille des gens du spectacle




Paris. 1988.
Je fais toujours partie de l'équipe du journal Le Monstre, mensuel parodique et satirique.
L'essentiel de notre boulot consiste à dégonfler un peu les principales baudruches de la presse nationale. Si la majorité de la corporation des journalistes trouve la prose de cette bande d'intrus se moquant ouvertement de leur canard plutôt sympathique (  même avec un léger rictus) ; c'est paradoxalement ceux qui sont sensés posséder le plus grand sens de l'humour et de la dérision (les membres de l'équipe du seul canard qui se prénomme comme tel) qui n'apprécient pas vraiment l'exercice.
Pour la plupart (ceux qui signent les articles avec leur propre nom) nous sommes des marginaux et entendons bien le rester.
Alors, ce soir là, quand le téléphone sonne dans les six mètres carrés de notre salle de rédaction et que notre correspondant nous invite au très sérieux talk-shaw de Monsieur Pierre Bouteiller pour le lendemain soir, nous croyons bien entendu à une blague.
Un appel dans les locaux de la toute nouvelle chaîne du PAF nous apprend pourtant que nous sommes bien, effectivement, c'est noté, les hôtes de M6.
-Sommes-nous disponibles. Disons, vers 22 heures ?
- Oui, mais. Au fait, de quoi, et de qui, parlerons-nous. Chopin, Georges Sand, Flaubert, les situationnistes?
-De vos parodies, seulement de vos parodies.
-22 heures, vous dites?
-Oui, dans nos locaux de la radio RTL.
Dès le lendemain matin, l'aspect tactique de notre intervention est ouvertement évoqué. Le petit-déj, un moment jusque là si calme et apaisant, devient plus animé qu'un débat électoral.
Une partie de l'équipe (l'aile gauche) prône le rentre-dedans. L'autre moitié (l'aile droite) demande du calme, de la modération. Certains membres isolés ( se situant ouvertement au-dessus des partis)  font référence aux derniers chiffres de vente en jetant leurs croissants, dépités.
En fin de soirée, alors que le demi-pression a remplacé le cappuccino,  nous parvenons enfin à un accord, rédigé en une dizaine de points. Je suis désigné, avec notre rédac-chef, pour aller au combat. Bien entendu, nous n'avons jamais lu la moindre ligne de ce document a qui que se soit.
Nous prenons le métro pour nous rendre dans les beaux quartiers de la capitale. Au dos de notre carte orange, nous avons glissé notre belle carte de journaliste barrée des trois couleurs du drapeau national.
A l'entrée du studio, une jolie secrétaire nous attend, son petit cahier à spirale en mains.
-Vous êtes de l'équipe du journal Jalons ?
-Non, nous c'est Le Monstre.
La petite a l'air plutôt déçue. Puis, elle évacue le mauvais stress en mordillant le bout de son crayon à papier.
-Pas de problème, on va faire avec..
-Avec qui ?
Mais, le maître de cérémonie arrive. On se sert la main. Il lance un regard appuyé vers la secrétaire.
-Qu'est-ce qui se passe ?
- Il semble que... bon, enfin, ils ne sont pas de Jalons.
Il se tourne vers nous, souriant.
-Alors, vous n'avez pas sorti de pastiche du Monde?
Je file un coup de coude à la rédac-chef. Elle sursaute, puis, fait un pas en avant, notre journal en main.
-Si. Le nôtre, c'est celui-ci.
Regard appuyé.
-Oui, c'est celui que j'ai lu.
Nos soupirs de soulagement s'entendent probablement dans le studio voisin.
La voix si particulière de Pierre B, nous réconforte.
-Alors, il n'y a pas de problème?
-Non, non, aucun...
La secrétaire s'interpose..
-Allez, passez au maquillage.
(A suivre)
Julius Marx

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire