vendredi 25 septembre 2015

Bonheur partagé




Au fond, les hôtels de luxe des grands groupes américains pour touristes assoiffés d’exotisme all-inclusive ne sont que le reflet quasi-parfait de ce qu’est devenu notre monde. Ici, absolument tout doit être d’une perfection lisse. Le décor, tout d’abord ;  des alignements incongrus de colonnes, des dizaines de sphinx, de béliers, bien plus soignés que les originaux ! Ensuite, vient le discours où chaque mot, on le sent, a été pensé et digéré par les cadres de la maison-mère. La nourriture est aussi aseptisée que la parole échangée ; ici le poulet industriel à le même goût que le poisson même si le menu, habilement recopié dans des manuels culinaires, se veut alléchant. La bouteille d’eau minérale, qu’on vous colle d’office sur la table, est aimablement fournie par la maison Nestlé et vous coûte la bagatelle de 25 livres (2 euros et demi)(1)  Et puis, il y a cette sempiternelle musique qui doit accompagner chacun de vos pas ; de style guimauve pour l’intérieur et syncopée pour l’extérieur.
L’offre est quasi-permanente. Tout est mis en place pour une con-sommation, tout se réduit à une simple question d’économie. Le sourire n’apparaît qu’à partir d’une certaine somme dépensée. Oui, c’est bien le reflet de la société d’aujourd’hui : une minorité de possédants  soignés, cajolés, par une armada de possédés.
Mais, les clients se moquent bien de l’uniformisation de l’offre comme celle de notre monde. Le voyage n’existe plus, remplacé par le simple déplacement. On vient consulter ses mails sur une plage de sable fin devant un paysage époustouflant, on prend une photo et puis, on rentre chez soi.
Ah, j’oubliais, il y a aussi les 10 livres facturées sur la note pour l’Unicef locale. L’entreprise est responsable et citoyenne. L’entreprise ne veut que notre bonheur et celui des enfants du monde entier.
Alors, pourquoi s’imposer huit heures de bus, une heure de route en plein désert et une note aussi salée que la mer pour rejoindre ce Paradis artificiel ?
Pour le fantastique spectacle des fonds marins (difficile de vous le faire partager, ma liste de superlatifs reste trop limitée) et les couchers de soleil.

Moi aussi j’ai pris une photo, pour vous.
Julius Marx

 (1)   A titre indicatif, il faut savoir qu’en Egypte une famille pauvre mange avec 15 livres par jour.
         Pour "compléter" cet article de mauvaise humeur, il faut lire l'article de Serge Quadruppani "La fin du voyage" (lien sur mes blogs) beaucoup plus documenté et incisif.

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