vendredi 30 septembre 2011

Politique intérieure


Voici, en exclusivité le tout  premier discours du président François Hollande, au lendemain de sa victoire à l'élection présidentielle. Lisez bien, c'est un scoop !
"Il est nécessaire d'être fixé sur la future forme sociale, maintenant surtout que tous nous sommes enfin décidés à passer de la spéculation à l'action,je propose mon propre système concernant l'organisation du monde. Le voici.
(Ce disant, il frappa avec un doigt sur son cahier.) J'aurais voulu le présenter à la réunion sous une forme plus succincte que possible; mais je vois que, loin de comporter des abréviations, mon livre exige encore une multitude d'éclaircissements oraux ; c'est pourquoi l'exposé demandera au moins dix soirées, d'après le nombre de chapitres que renferme l'ouvrage.(Des rires se firent entendre.)De plus, j'avertis que mon système n'est pas achevé. (Nouveaux rires.) Je me suis embarrassé dans mes propres données, et ma conclusion est en contradiction directes avec mes prémisses. Partant de la liberté illimitée, j'aboutis au despotisme illimité. J'ajoute pourtant qu'aucune solution du problème social ne peut exister en dehors de la mienne.(L'hilarité redoubla.)
-Si vous même n'avez pas su coordonner votre système, et si vous êtes arrivé au désespoir, qu'est ce que nous y ferons? se hasarda à observer un des miliaires.
-Vous avez raison, monsieur l'officier,d'autant plus  raison que vous parlez de désespoir. Oui, je suis arrivé au désespoir. Néanmoins, je défie  qui que ce soit de remplacer ma solution par aucune autre: on aura beau chercher, on ne trouvera rien. C'est pourquoi sans perdre de temps, j'invite toute la société à émettre  son avis, lorsqu'elle aura écouté durant dix soirées la lecture de mon livre. Si les membres refusent de m'entendre, nous nous séparerons tout de suite, les hommes pour aller à leur bureau, les femmes pour retourner à leur cuisine, car, du moment que l'on repousse mon système, il faut renoncer à découvrir une autre issue, il n'en existe pas!"
Dostoïevski (Les Possédés)

jeudi 29 septembre 2011

L'exercice du style



Grand fan de romans noirs, j'épluche régulièrement la fameuse blogosphère. Je suis à la recherche d'un petit article qui m'offrirait  ; un avis tranché de rédacteur-lecteur, une sérieuse critique des motivations d'un auteur, bref, une analyse.Mais, la plupart des articles se contentent, après une présentation de l'écrivain (pimentée d'une petite anecdote), d'un long  résumé de l'intrigue (quelquefois l'ordre des choses est inversé) et d'une savante explication des différentes motivations des personnages.
Et puis, parfois, l'auteur de l'article s'égare de sa sempiternelle ligne de conduite en approuvant (ou en désapprouvant ) le choix du sujet du bouquin. Certain vont même jusqu'à se poser des questions!
Mais, la vraie question est : à quoi peut bien servir une telle critique alors que l'on peut  lire,  dans les vieux journaux qui subsistent le même genre d'article?
Si la démarche de ces vieux journaux et de leurs vieux journalistes est compréhensible (ils ont l'obligation de faire du chiffre pour relancer la croissance) celle des blogueurs me laisse songeur.
Comprenez moi bien, ce n'est pas l'envie de polémiquer qui me hante, mais celle plus tenace et plus originelle  d'ouvrir un indispensable dialogue.
Personne, par exemple, ne parle du style.
Personne pour souligner que ce fragment  d'un roman de Ron Rash  est d'une platitude extrême.
"La route tournait et s'enfonçait plus profondément dans la vallée. Je suis passé devant la maison de mon frère Travis, et puis devant celle où j'avais grandi. Papa travaillait dans le champ du bout. Les panaches de poussière s'élevant derrière son tracteur  révélaient tout du genre d'année que l'on semblait avoir."
Personne donc pour conseiller aux lecteurs de balancer Ron pour acheter illico un bouquin de Himes ou Mc BainSi le roman noir est un gagne-pain, ce n'est pas une raison pour le fabriquer dans une boulangerie industrielle. J'ai toujours préféré le petit commerce aux grands super-marchés.
Nous sommes  là dans une démarche similaire à celle qui a complètement discréditée les vieux médias et
je m'étonne de constater que les blogueurs jouent le jeu de la consommation effrénée (certains vont même jusqu'à indiquer le prix du bouquin en dessous de sa couverture) sans se poser trop de questions.
La consommation (comme l'a dit un autre écrivain qui lui, n'écrivait pas de polar) qui est, comme chacun devrait le savoir, "la sommation aux cons."
Julius Marx

mercredi 28 septembre 2011

Ouvrons les yeux !


Les églises sont à chaque coin de rue. Ils nous faut nous repentir et suivre la parole du tout puissant.
Ailleurs, on m'écrit que les "barbus" gagnent du terrain. Une lutte indispensable va donc se poursuivre . Une lutte essentielle contre l'obscurantisme et pour le développement . Réel développement de la pensée et de la réflexion  et non pas ce  " génocide culturel et idéologique" comme le dit  Pier Paolo Pasolini  en 1975, qu'on nous propose aujourd'hui.
Les religions ne cherchent qu'à nous faire accepter notre sort, c'est un fait.
Inutile donc de lever les yeux vers le ciel, il nous faut simplement les ouvrir , bien grands.
"Je vous comprends, Varvara Petrovna, soyez tranquille. C'est un peu comme la religion : plus l'homme vit mal  ou plus opprimé et misérable est un peuple, plus obstinément il rêve au paradis, sa récompense, et si cent mille prêtres attisent le rêve et spéculent dessus, alors... Je vous comprends, Varvara Petrovna, soyez sans crainte."
Dostoïevski (Les Possédés)

lundi 26 septembre 2011

Cérémonie


Les organisations humanitaires sont souvent décriées. Alors, lorsqu'une d'entre elles vous invite sur le terrain, pourquoi refuser une petite visite du  lycée d'enseignement professionnel de Port-Bouet ?
Nous sommes invités à l'inauguration d'un programme spécial appelé "Académie des talents".
Plusieurs partenaires ont pour but de former et d'intégrer des jeunes dans le domaine de la mode. L'ambassadeur du programme est Gilles Touré (si vous ne  connaissez pas encore cet illustre ivoirien, allez sur votre moteur de recherche préféré et admirez.)
La première attraction de Port-Boué, c'est la grande caserne abritant le régiment de l'opération Licorne.
Mais, ce matin, je suis plutôt tourné vers le côté positif des choses. J'écoute donc notre chauffeur qui nous raconte les incidents  de la veille dans le quartier de Youpougon  et l'intervention de la Licorne  qui a suivie, d'une oreille distraite. Les gamins qui collent leurs nez sur les vitres de la voiture en réclamant une petite pièce tentent de me faire basculer dans la déprime, mais, je résiste.
Une cérémonie, en Afrique, c'est un moment important que personne n'oserait railler. Aussi, quand la fanfare du Saint-Esprit (c'est son nom)  nous accueille, nous saluons ses musiciens comme il se doit. Deux charmantes hôtesses sont chargées de guider les officiels (eh oui, c'est nous... Et dire que je suis habillé avec un short et un tee-shirt !) Voila le maître de cérémonie  qui arrive à son tour. J'avoue que pendant les présentations, je me demande  bien comment il peut porter, lui, un costume et une cravate alors que le simple trajet de la voiture au bâtiment principal m'a  déjà mis en sueur. Je sors mon indispensable paquet de mouchoirs.
Tout est prêt. Les stands sont installés autour d'un carré de verdure. Les chaises en plastique, pour les parents et les invités, sont impeccablement alignées sous des bâches. Pour les personnalités importantes, on a prévu  deux canapés de salon de velours vert avec leur fauteuils assortis.Les élèves sont souriants, très impatients de faire admirer leurs productions. Cette impatience m'étonne un peu. J'ai souvent eu l'occasion de participer à ce genre de manifestation (là-bas, dans cette Europe prospère et heureuse) et jamais je n'ai remarqué un tel enthousiasme.
Avant l'arrivée des politiques et des bailleurs (ceux qui vont poser leurs fesses sur les canapés en velours)
je fais le tour des salles de classe. Bien sûr, les bâtiments sont plutôt sommaires mais les installations et le matériel  nécessaires, dans les ateliers coiffure ou modélisme, par exemple, sont bien au rendez-vous.
Les filles et les garçons, en uniforme de leur école partenaires respectives, m'accompagnent. Après les inévitables remarques sur le dur métier de professeur avec les personnes chargées d'encadrer ce joli monde, nous passons aux séances photo. J'ai beau affirmer que je ne suis pas un officiel et que je ne connais strictement rien à la mode, à la coiffure ou à l'esthétique,  qu'importe ! Je suis venu leur rendre visite, et il n'y a rien que ça qui compte.
Voilà la fanfare du Saint-Esprit qui remet çà. Les officiels (les vrais) arrivent.
Chacun a bien préparé son petit discours: le représentant du ministre promet, les bailleurs espèrent, les professionnels demandent, le public applaudit et la fanfare du Saint-Esprit joue!
Même la pluie n'a pas le pouvoir de bouleverser les réjouissances. Les danses et les présentations succèdent aux discours. Après d'autres inévitables séances photo, je dois penser à rentrer ( j'ai épuisé mon stock de mouchoirs.)
Une matinée complète et colorée sont le signe du sourire retrouvé. Oui, j'avais parfaitement raison de vouloir  rester  positif.
Julius Marx

lundi 19 septembre 2011

Une histoire de temps






Déjà trois semaines : il faut s'habituer au climat. La promenade dans les rues de A, en Tunisie devient ici une véritable épreuve sportive. Dans un premier temps, il faut apprendre à marcher en prenant garde de ne pas mettre le pied sur la route. Le piéton est un être téméraire qui  aux yeux des automobilistes ne représente qu'un obstacle de plus sur leur route  déjà semée d'embûches en tout genres (trous, travaux non balisés, cyclistes, laveurs de pare-brise, vendeuses de bananes, revendeurs de portables derniers modèles, marchands de bimbeloterie chinoise et uniformes divers.)
Et puis, il y a la chaleur.L'insidieuse chaleur  qui  transforme, avec son petit copain le taux d'humidité , le paisible promeneur en un drôle de poisson (genre carpe). La victime du maléfice passe son temps à ouvrir  grand la bouche tous les trois pas pour respirer.
 Cette épreuve surmontée, le vivaneau africain va devoir en affronter une plus compliquée encore, nous l'appellerons l'épreuve du  regard.
Ceux que je  croise sont des regards tristes, désabusés. Ce sont des masques, des poses, et l'affirmation d'une indifférence totale envers notre monde.
Le malaise est constant et ces yeux me frappent beaucoup plus durement que la vision des barbelés sur les toits qui envahissent les antennes paraboliques comme des mauvaises herbes. Beaucoup plus encore que les rencontres avec ces soldats chargés de la sécurité (les groupes sont tellement nombreux que j'ai renoncé à les différencier). Ils sont tous armés et les petits détails de leur uniformes (baskets à la place des Rangers réglementaires, ou tee-shirts de Bob Marley ) qui devraient me faire sourire, peut-être,  au contraire m'assomme.
L'épicier (qui m'appelle tonton, j'espère que ce n'est pas une référence à Mitterrand) me sourit. Ah! Enfin.
Oui, mais, je ne distingue que son visage derrière la grille qui le protège. J'ai beaucoup de mal à répondre à son sourire. Les barreaux sont d'un diamètre imposant, j'ai peine à voir son étal. Beaucoup de marchandise vendue à l'unité, du pain très blanc, des cigarettes. Qu'est-ce qui me ferait plaisir, du soda américain, des cartes téléphoniques d'une couleur bien française?
Il faut aussi bien calculer son temps de trajet. Le retour vers le camp de base est souvent très pénible. On ne cherche plus à se mesurer avec le taux d'humidité, on le fuit.
Devant l'immeuble des gosses s'amusent sur un tas de sable. Ils font des sauts périlleux comme leur idole (Drogba, le roi des footballeurs). Ils ont du sable dans leurs cheveux crépus. J'aime leurs cris d'enfants, leurs rires libérés. J'aimerai qu'ils crient et qu'ils rient encore plus fort.
Le ciel est opaque (couleur intérieur pot de chambre dirait Flaubert). La météo n'est pas très optimiste mais peut-on se fier à ses prévisions? De tous les temps, c'est bien le futur que l'Afrique maîtrise le moins.
Julius Marx

dimanche 18 septembre 2011

Palais de Grand Bassam (suite)

D'autres photos de ces "palais".
Avec tout d'abord certainement la plus symbolique (celle du Palais de Justice)

Et puis, d'autres



vendredi 16 septembre 2011

Invitation


"A ce repas de noces on servit des dindons, des poulets rôtis, des oies, du poisson farci et une soupe de poisson dans laquelle des lacs de citron jetaient des reflets nacrés. Sur les têtes mortes des oies, des fleurs se balançaient comme des plumets somptueux. Mais le ressac écumé de la mer d'Odessa jette-t-il des poulets rôtis sur le rivage?
Tous les plus beaux fleurons de notre contrebande , tous les produits dont les pays tirent leur gloire d'un bout à l'autre de la terre, accomplissaient par cette nuit étoilée, par cette nuit bleue, leur oeuvre de destruction et de séduction. Un vin venu de loin réchauffait les estomacs, coupait délicieusement les jambes, enfumait les cerveaux et provoquait des rots sonores comme l'appel de la trompette guerrière. Le cuisinier noir du Plutarque arrivé l'avant-veille de Port-Saïd  avait passé en fraude les bouteilles ventrues de rhum de la Jamaïque, le madère onctueux, les cigares des plantations de Pierpont-Morgan et les oranges des environs de Jérusalem.
Voilà ce que jette sur le rivage le ressac écumeux de la mer d'Odessa, voilà ce que reçoivent parfois en partage les mendiants d'Odessa pendant les noces juives."
Isaac Babel (Le Roi - in Contes d'Odessa)
Ces contes merveilleux datent de 1923 et demeurent aussi énigmatiques que leur auteur qui a vécu la vie tumultueuse d'un écrivain russe (arrestation, camp d'internement-réhabilitation etc..)
Si les descriptions sont pour le moins savoureuses, il faut dire que le style est étonnant avec des mots tranchants, des métaphores inspirées et justes. Mais, il faut aussi parler du sens de la narration car, histoires il y a bel et bien.
Ainsi, vous pourrez trouver des phrases comme : "les bourses bien remplies sont cousues de larmes" ," Ils portaient des redingotes noires à revers de soie et des bottes neuves qui criaient comme des porcelets dans un sac." Inspiré je vous dis!
Impossible de ne pas parler également d'un autre Isaac (Bashevis-Singer celui-là) qui nous a déjà enchanté (voir les précédentes rubriques) et qui nous enchantera encore et dont l'oeuvre s'accoquine avec notre Isaac du jour.
"Bon, maintenant vous savez tout . Vous savez qui a prononcé le premier le mot "roi". C'était le petit Moïse. Vous savez pourquoi il ne donna ce nom ni à Gratch le borgne, ni à Kolka le furieux. Vous savez tout.
 Mais à quoi bon, si vous avez, comme avant, des lunettes sur le nez et l'automne dans le coeur?"

Isaac Babel  "Contes d'Odessa" et" Nouvelles"  Folio n°1126
Isaac B.Singer (oeuvres complètes, une trentaine d'ouvrages)

mercredi 14 septembre 2011

Naples, en haut, à gauche.


De Naples, nous avons déjà parlé, avec le merveilleux Domenico Rea ( voir l'article "L'or de Naples" de 2010), mais aussi grâce à la sublime Anna Maria Ortese et son recueil de nouvelles "La mer ne baigne pas Naples".
Mais, Naples est fiction  et il nous faut poursuivre avec Erri De Lucca. Si l'homme (et pour une fois ce mot n'est pas galvaudé) s'est fait connaître grâce à Montedidio, il faut puiser dans son oeuvre déjà conséquente et dénicher un petit recueil nommé "En haut, à gauche". L'ensemble des textes de ce livre est d'une sensibilité et d'une émotion rare. La preuve, je ne peux me décider à privilégier un texte plutôt qu'un autre pour vous en livrer un  petit extrait! Alors, voici  l'introduction pour la première partie de ces textes intitulée "Les coups des sens". Savourez..
"Je suis d'un siècle et d'une mer mineurs. Je suis né en leur milieu, à Naples  en 1950.
De ce faux centre, apparence de tribune numérotée, je n'ai connu aucune profondeur de champ ni de détail.J'ai compris peu, mal le temps et les actions. En hôte embarrassé, j'en ai retenu les signes. Je veux les laisser à un petit-fils curieux, peut-être touché par l'atrocité et la modestie des vies qui l'ont précédé.
J'aligne, un pour chaque sens, les coups qui se sont arrêtés par hasard et à dessein dans mes souvenirs. Je n'ai nulle disposition pour le témoignage, aucune vocation de chroniqueur, je ne sais rien des étoiles filantes, des pistes sonores, mais je pense à deux dés, un champignon, une petite dame, une fiasque : pions d'un Monopoly autour duquel passer ses dimanches.
Entre un cri et un bouillon (titres de deux des textes suivants), il est resté ce que je sais. Autour de moi, il y avait un monde distant, expert, qui refaisait à l'aveuglette des gestes de seconde mère."
Erri De Lucca "En haut, à gauche"( Rivages Poche) 1998
Rassurons-nous, le vieil adage "Voir Naples et écrire" est toujours d'actualité.

lundi 12 septembre 2011

Un petit coin de ciel bleu


Ceux qui ne connaissent pas encore Thomas Mc Guane doivent  d'abord se procurer par exemple "Comment plumer un pigeon", ensuite, ils pourront revenir à cet article. Oui, je sais, c'est extrêmement contraignant. Pour les autres, prenez la peine de lire ce qui suit. L'extrait  ci-dessous n'est pas à proprement dit significatif de l'univers de l'auteur mais je viens de le piocher dans un de ses anciens bouquins que je n'avais encore pas lu "Rien que du ciel bleu." Je le trouve savoureux et tellement poétique.
"Ils s'arrêtent à un magasin ouvert jour et nuit pour acheter de quoi déjeuner. La caissière regardait si intensément la télévision que Frank réussit à fendre l'emballage plastique d'une revue porno et à jeter un coup d'oeil aux images, l'une après l'autre; on aurait dit un catalogue de fruits de mer. Difficile de rester fasciné par tout cet étalage. Le vagin était une chose splendide, mais photographié comme un monument cela devenait terrifiant.
Les têtes minuscules, floues, plongées dans des ombres lointaines derrière ces cons colossaux, multicolores, aussi grands que les visages du mont Rushmore, firent regretter à Frank sa curiosité. Il se demanda si l'on découvrait ces jeunes femmes près des distributeurs de soda, comme autrefois on repérait les vedettes du cinéma hollywoodien .
Thomas Mc Guane  (Rien que du Ciel Bleu ) 
C.Bourgois/ 1994

Les palais de Grand Bassam



La cité de Grand Bassam, à une quarantaine de kilomètres d'Abidjan, représente à elle seule la fantastique métaphore de ce que vit actuellement le continent africain.
L'une des ressources de la ville, ancienne capitale coloniale, ce sont ses fameux "palais" du quartier France.
Les voici ces palais! Ternes, miteux, avec leurs régiments de fenêtres. Boursouflés d'humidité, couverts de mousse, de branches, on dirait qu'ils viennent d'émerger de l'océan tout proche. Il ne manque que les poissons.
Ils sont enveloppés d'un linceul de brume. Je n'imaginai même pas les découvrir autrement, en plus, il pleut!


Métaphore donc, oui, mais pourquoi?
Simplement parce que personne n'a jugé opportun de détruire ces symboles. Parce qu'une poignée de  "guides" assermentés tentent de vivre en racontant maladroitement  l'histoire de ces vestiges. Comment gagner sa vie autrement dans cette région:  en travaillant dans un des nombreux hôtels pour blancs, en fabriquant des paniers en rotin?
Pour le visiteur, il est certes déconcertant de traverser le  passé , l'expérience est pittoresque. Le guide de voyage conseille de donner une petite pièce aux autochtones, c'est la moindre des choses!


Oui, c'est bien ce que fait l'Europe... Métaphore je vous dis.
Julius Marx

vendredi 9 septembre 2011

Un petit brin de nostalgie


Le voyage débute dans une des salles/dortoirs de l'aéroport de Tunis. C'est un drôle de désert climatisé où se croisent de drôles de populations, mais , je suppose qu'il en va de même pour la plupart des aéroports dans le monde. J'y passe une journée entière  et, entre les vingt-quatre pauses café, mes seules découvertes restent les autres salles/dortoirs. A l'origine, ces salles n'étaient que de simples salles avec un mobilier fonctionnel et des grandes fenêtres s'ouvrant sur l'aventure. Si elles ont acquis ce statu de salles/dortoirs c'est bien entendu grâce aux nombreux retards qui obligent les voyageurs à "s'organiser un peu".
Ma première visite est pour la salle d'embarquement en direction de Djeddah. Le retard est moindre, trois heures seulement. De toutes façons, le temps est une sorte de formule abstraite inventée par les mécréants.
Les groupes de voyageurs viennent d'horizons différents et ne se mélangent pas. Et puis, il n'y a presque que des femmes.. Où sont les hommes? occupés à faire leurs emplettes dans les boutiques du tax-free. C'est ainsi, ces messieurs font leur provision de parfums et de chocolats pendant que ces dames patientent.
Dans la salle Bamako, c'est la joyeuse pagaille! La foule ondule comme un drôle de reptile au ventre de toutes les couleurs. Des carrées  sont occupés à prier entre les rangées de sièges métalliques, d'autres mangent à même le sol. Entre deux annonces noyées dans un grésillement tenace, des voix s'élèvent , fortes . On palabre, on négocie peut-être... Les enfants courent au milieu de ce joli monde . Des femmes se lèvent, appellent les gamins... Sans résultat. C'est jour de marché!
Une dizaine d'heures plus tard (pourquoi vouloir parler aujourd'hui d'un voyage en avion? plus personne ne regarde par le hublot ni se s'étonne de la formidable poussée des réacteurs. Je me rappelle pourtant que, petit garçon, j'avais eu la chance de pouvoir contempler le désert à 10.000 mètres d'altitude..Je voyais les oasis, les chameaux et les dunes.. J'aimais bien aussi le bonbon qu'on nous donnait pour le décollage..)
Donc, plus tard, je débarque à Abidjan. De l'arrivée au petit matin, j'avais le souvenir d'un joyeux désordre. On apercevait les gens derrière les vitres qui faisaient de grands signes, d'autres qui criaient en se jetant dans les bras d'une mère. Dans la pagaille, on finissait par repérer sa valise et après un petit signe au douanier endormi, on filait vers la sortie retrouver les siens. Mais, c'était il y a bien longtemps.Ce n'est pas (ou plus) le cas. Un policier qui ne m'accorde aucun regard me demande de fourrer mon index dans un tube et de présenter mon plus beau profil à une petite caméra. Il grogne parce que je me suis trompé de doigt, j'ai introduit le majeur. Il me montre quel est l'index !
Dehors, une humidité qui frappe (c'est le cas de le dire) on a l'impression de prendre un coup de toile à laver sur la tronche!On ouvre désespérément la bouche, on veut respirer, on est normalement conçu pour ça non?
Abidjan à 2 heures du matin. La voiture roule vite, je suis légèrement groggy. La rue appartient  aux prostituées, aux mendiants et aux militaires entassés dans les 4/4 japonais. Ce sont des groupes spéciaux chargés de l'ordre. On les appelle par un nom spécial, mais, je l'ai déjà oublié. Sur notre pare-brise, un auto-collant annonce qu'il n'y a pas d'armes dans notre véhicule.
Nous arrivons à quelque chose  qui ressemble à un barrage. Un gradé, les yeux hagards, se demande s'il doit nous arrêter.. Il  renonce. Nous suivons de longues rangés d' immeubles calcinés. Même la végétation semble  abîmée.  Au bord des routes, des pubs gigantesques pour les produits occidentaux, entre autre, et par terre,  des tas de détritus. 
Nous traversons la lagune. Il y a des lucioles sur les berges, sur l'eau. Et puis, quelques feux qui se reflètent dans l'eau. Je ne peux m'empêcher de trouver ça beau. Il règne un calme étrange. 
(A suivre) 
Julius Marx