lundi 1 juillet 2013

Mes aventures de sieste (2)

Cet après-midi là, au comble de la chaleur, je me rappelle bien cette promenade dans les rues de Paris.



Là où nous habitons, les avenues sont profondes et calmes comme des allées de cimetière. Les chemins qui conduisent de l'Ecole Militaire aux Invalides semblent s'ouvrir pour des funérailles nationales.
Un trottoir à l'ombre, l'autre au soleil, ils s'en vont entre leurs platanes pétrifiés, devant deux rangées de façades contenues, sans une boutique, sans un cri. Mais une anxiété frémissante peuple l'air.
C'est l'appréhension du son des cloches. Le ciel vole bas sur mon quartier prématurément vieilli. Tant il est vrai que l'on a l'âge de ses artères.
Ma maison s'élève au carrefour de deux silences. L'absence de sergent de ville ajoute à la distinction du lieu. Donc, cette ancienne bâtisse  neuve achève là de noircir avec élégance et modestie.
Quelques moulures en forme de corne d'abondance et une manière de clocheton pointu sont les seuls ornements consentis à sa frivolité. pour le reste, on dirait d'un thermomètre. Elle est haute et étroite, tout en fenêtres pour prendre le jour. Elle ne le renvoie pas. Je me demande ce qu'elle en fait. C'est d'ailleurs un des principes qui dominent la vie de la maison- ce peu de vie que nous avons en commun- de ne jamais rien renvoyer: ni le jour,ni l'ascenseur, ni les bonnes.
Aujourd'hui, je l'ai regardé dans les yeux avec mes yeux d'étranger, pour voir de  loin. Il n'est pas donné à tout le monde d'en pouvoir agir ainsi avec sa propre maison et il est plutôt triste que cela soit possible.
Mais elle n'a rien fait pour me reconnaître. Pour comble, elle se donnait l'air d'être ailleurs.

Lire Blondin, c'est  l'assurance du sourire. Du petit sourire qui vient sournoisement se poser sur vos lèvres et qui ne s'efface que lorsque le livre se referme. Cet après-midi là, je ne saurais dire s'il s'est envolé par la fenêtre entrouverte en frôlant les rideaux où s'il a préféré se cacher sous le matelas dès que mes yeux se sont fermés.

Julius Marx
Texte : Antoine Blondin ( Morte avenue de Ségur) Folio
Image : Henri-Cartier-Bresson (Rue de Cléry- Paris 1952)

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