mardi 29 septembre 2015

Illusion


Un jour, c’était un dimanche, je rejoignis Pasqualino dans sa boutique comme à l’accoutumé. Il chargeait son Leica et me dit qu’il devait aller photographier une « réunion » de ménagères paysannes. J’étais épouvanté à l’idée profondément triste d’affronter seul cet après-midi dominical et décidai de l’accompagner. Nous prîmes la route de la mer appelée « riviera », promenade qui me plaît beaucoup. La mer avait sa parure hivernale, jaune, écumeuse, et, tout en marchant sur le sable, loin des maisons, nous abordâmes des sujets habituels, qui ne nous ennuyaient jamais. Nous aurions pu continuer de parler ainsi jusqu’au soir, ce qui est, je crois, la condition nécessaire d’une solide amitié. La mer participait à la conversation. Inutile de rappeler la mélancolie qui émane de la mer l’hiver, le spectacle tonique des vagues qui glissent sur le sable et apportent l’écume presque jusqu’à vos pieds. Dans cette région(1), le vent du nord plie les pins dès qu’ils dépassent un mètre de haut et les fait pousser de guingois. De sorte que s’il n’y a pas de vent, l’illusion persiste, presque théâtrale, et également tonique.
Ennio Flaiano
(Les photographies)
Autobiographie du Bleu de Prusse

 (1)     La région dont parle le narrateur est celle des Abruzzes dont il est souvent question dans ce blog. Quant à la photo qui illustre ce texte, elle a été prise à Venise, le pays où naissent les illusions.

samedi 26 septembre 2015

Le Polar Est social




« Attendez ici, monsieur Griffin, s’il vous plaît », dit-il, indiquant des dizaines de chaises en plastique attelées les unes aux autres qui me font toujours penser à des bancs d’églises de bas-fonds. « Un médecin va s’occuper de vous tout de suite. »
Tout de suite se révéla être près de trois heures plus tard.
L’endroit ressemblait plutôt à une gare routière. Même sensation d’être coupé du temps, même style d’aménagement et même misère. Tout puait la fumée de cigarette, le tabac froid et les odeurs corporelles. Les sièges, le sol, la plupart des murs étaient maculés de tâches. Un chapelet continu de monde entrait et sortait. Certains pique-niquaient, seuls ou en groupes autour de boites de fast-food ou de sacs d’épicerie dans lesquels ils avaient apportés leurs sandwichs, quelques-uns, à en croire leurs biens empilés autour d’eux, avaient élu résidence.
La police ou les ambulanciers passaient régulièrement les portes automatiques accompagnés d’ivrognes, de victimes d’accidents, de jeunes gens aux yeux vides, de SDF au sexe indéterminé emmaillotés dans des couches de chiffons, de violeurs et de violés, de patients en cours de 
résurrection, de corps en cours de refroidissement. Environ tous les quarts d’heure, un nom jaillissait, tonitruant, des haut-parleurs, et une personne de plus disparaissait dans les boyaux de la bête. Aucune ne semblait jamais reparaître. Infirmières et autre employés traversaient périodiquement la salle pour aller fumer dehors.
Une jeune femme du zoo Audubon arriva avec le faucon qu’elle était allée nourrir agrippé à elle par les serres qu’il avait plantées dans sa joue gauche.
Un inspecteur de police vint prendre des renseignements au sujet d’un cadavre qui avait été jeté devant l’entrée des urgences, plus tôt ce matin-là, apparemment par une maison de pompes funèbres qui déclarait que la famille refusait de les payer.
Une vieille dame entra, s’avança vers le bureau d’accueil à petits pas lents et demanda si on pourrait lui dire si son mari avait été amené ici après une crise cardiaque la nuit précédente, elle ne se souvenait plus où ils avaient dit qu’il l’emmenait, elle avait déjà essayé plusieurs autres hôpitaux  et elle n’avait plus d’argent pour prendre un autre taxi.
En fin de compte, Clare avait eu raison sur toute la ligne. Une fois que mon tour arriva finalement d’être avalé par la baleine, elle me recracha affublé d’une douzaine de points de suture.
James Sallis
Papillon de nuit
Folio Policier (622)

Un roman de Sallis, du moins dans la série des Lew Griffin, c’est l’assurance d’une belle plongée dans  le Paradis américain. Un voyage au pays de la démocratie, des droits de l’homme et de la liberté. Même si l’auteur oublie trop souvent à mon goût son intrigue pour abandonner la parole  à son personnage, pour le laisser se perdre dans les méandres de ses propres réflexions. Le style (une sorte d’anti-Ellroy) évoque plus le roman français et européen que Lew, l’ancien garde du corps devenu professeur de littérature et écrivain, ne cesse de citer. Heureusement pour nous, et pour le roman noir, il y a la violence ; violence quotidienne, beaucoup plus insidieuse et de fait, insoutenable.
Julius Marx
image: Joe Morton dans le Brother de John Sayles(1984) 

vendredi 25 septembre 2015

Bonheur partagé




Au fond, les hôtels de luxe des grands groupes américains pour touristes assoiffés d’exotisme all-inclusive ne sont que le reflet quasi-parfait de ce qu’est devenu notre monde. Ici, absolument tout doit être d’une perfection lisse. Le décor, tout d’abord ;  des alignements incongrus de colonnes, des dizaines de sphinx, de béliers, bien plus soignés que les originaux ! Ensuite, vient le discours où chaque mot, on le sent, a été pensé et digéré par les cadres de la maison-mère. La nourriture est aussi aseptisée que la parole échangée ; ici le poulet industriel à le même goût que le poisson même si le menu, habilement recopié dans des manuels culinaires, se veut alléchant. La bouteille d’eau minérale, qu’on vous colle d’office sur la table, est aimablement fournie par la maison Nestlé et vous coûte la bagatelle de 25 livres (2 euros et demi)(1)  Et puis, il y a cette sempiternelle musique qui doit accompagner chacun de vos pas ; de style guimauve pour l’intérieur et syncopée pour l’extérieur.
L’offre est quasi-permanente. Tout est mis en place pour une con-sommation, tout se réduit à une simple question d’économie. Le sourire n’apparaît qu’à partir d’une certaine somme dépensée. Oui, c’est bien le reflet de la société d’aujourd’hui : une minorité de possédants  soignés, cajolés, par une armada de possédés.
Mais, les clients se moquent bien de l’uniformisation de l’offre comme celle de notre monde. Le voyage n’existe plus, remplacé par le simple déplacement. On vient consulter ses mails sur une plage de sable fin devant un paysage époustouflant, on prend une photo et puis, on rentre chez soi.
Ah, j’oubliais, il y a aussi les 10 livres facturées sur la note pour l’Unicef locale. L’entreprise est responsable et citoyenne. L’entreprise ne veut que notre bonheur et celui des enfants du monde entier.
Alors, pourquoi s’imposer huit heures de bus, une heure de route en plein désert et une note aussi salée que la mer pour rejoindre ce Paradis artificiel ?
Pour le fantastique spectacle des fonds marins (difficile de vous le faire partager, ma liste de superlatifs reste trop limitée) et les couchers de soleil.

Moi aussi j’ai pris une photo, pour vous.
Julius Marx

 (1)   A titre indicatif, il faut savoir qu’en Egypte une famille pauvre mange avec 15 livres par jour.
         Pour "compléter" cet article de mauvaise humeur, il faut lire l'article de Serge Quadruppani "La fin du voyage" (lien sur mes blogs) beaucoup plus documenté et incisif.

lundi 21 septembre 2015

Cadeau


Cette année, pas d'images de moutons sanguinolents ni d'histoire de religion. Non. Seulement la première page de "l'Autobiographie du Bleu de Prusse" d'Ennio Flaiano.
Un beau cadeau, non?
Julius Marx
Le Caire -Aïd 2015


Le destin des pages ensevelies est moins de sauver l’âme du lecteur que les illusions de l’auteur qui, toutefois, se décide à les publier, les ressuscitant à partir de manuscrits oubliés. Compte tenu de leur ancienneté, il les dédie aux fantômes qui lui firent jadis prendre sa jeunesse pour une plaisanterie.


I.                   Les Images
Untel, décédé, confia sa conscience aux bons soins de son ange gardien. Elle était intacte, sans le moindre remords.

« Sans le moindre remords ? » commenta l’ange, de bonne humeur ce jour-là. « Quel manque d’imagination. »





dimanche 20 septembre 2015

Perfidia




LOS ANGELES/ MERCREDI 10 DECEMBRE 1941
02h34
Sa chambre est devenue la chambre de Ward, à présent. Son matériel et ses produits chimiques sont dans le placard. Il peut se préparer une potion pour trouver le sommeil. Il prend des ampoules de valériane et de fo-ti. Il les emporte dans la salle de bains et fait couler de l’eau dans une timbale. Il y ajoute le contenu des ampoules. Le mélange a un goût de boue astringente. Il l’avale d’une traite.
Les points lumineux reviennent. Il prend appui sur les murs  pour regagner la cuisine. Le fauteuil à bascule de Mariko flamboie d’une couleur étrange.
Il s’y laisse tomber. Il se balance doucement et se retrouve dans un lieu bizarre. Cela ressemble à la chambre forte d’une banque. Les billets de banque ne sont pas verts, mais violets. La fille Lake et le jeune Bennett ont pratiqué le seppuku. Leur sang à la couleur que devraient avoir les billets de banque. Le jeune Bennett est sous une pomme de douche. Des éclaboussures rebondissent sur l’objectif d’une caméra secrète. Il tente de représenter un panneau «  STOP » en kanji. Kay lui souffle au visage la fumée de sa cigarette.
Il entend des coups de feu. Ses yeux le brûlent. Il les ouvre et voit la lumière du jour à travers la fenêtre. Le premier coup de feu, c’était la cloche de la banque. Il cligne des yeux et voit l’horloge de la banque. Les aiguilles marquent 1h30.
Les coups de feu, c’est la sonnette de la porte d’entrée. L’eau, c’est sa transpiration et son urine. Le monde, c’est le fauteuil à bascule sur le plancher.
Il se dirige vers la porte en trébuchant. Il l’ouvre. Bucky Bleichert est devant lui.
-Hideo, je regrette. Je n’ai vraiment pas pu…
Il le frappe et le frappe et le frappe. Belmont 1935, vert et noir pour la vie. Bucky ne bouge pas. Il encaisse les coups.

Il le frappe. Le sang de Bucky est d’une étrange couleur nouvelle. Il le frappe jusqu’au moment où il n’a plus la force de lever les mains.

James Ellroy
Perfidia

Voilà, c'est reparti... un nouveau quatuor..et c'est pas de la musique de chambre!
Je connais la perfidie de ton amour et pourtant, pourtant, je t'aime toujours.

mardi 15 septembre 2015

Pélerinage




« Evidemment, il ne lui serait jamais venu à l’idée d’aller jeter un coup d’œil à l’intérieur de sa verge, dans l’urètre. C’étaient pourtant là qu’elles étaient. On aurait dit d’un sale petit îlot de muqueuses rosacées. Il n’en avait pas cru ses yeux. Et avait bien cru en dégueuler tripes et boyaux.
Verge qu’il avait ensuite rentrée dans son pantalon, mais comme on ferait du tentacule d’un poulpe mort qu’on voudrait ranger dans un slip.
Après quoi, il avait tiré la chasse.
Sur une urine qui s’était mise à tournoyer en jouant les virgules grimaçantes. Avant de disparaître. Comme le soleil : qui était justement en train de disparaître lui aussi. Et il avait attendu le retour de Constance qui était partie en visite. L’appartement était très calme. Il n’avait pas allumé. Alors qu’à l’état normal, il ne pouvait pas, lui, saquer les ténèbres. Non, il s’était rapproché de la fenêtre et avait regardé les voitures qui en ce début de soirée passaient là-bas, avec de ces rumeurs de pluie. Et il avait frissonné ; comme s’il avait brusquement eu très froid. Cependant que là-bas, en bas, continuaient de passer les voitures, qui, ce faisant, lui rappelaient certain après-midi de solitude et de pluie de son enfance.
Où il avait aussitôt effectué pèlerinage.
Ce qui explique que lorsqu’elle fit usage de sa clef pour ouvrir et entrer, l’appartement étant toujours dans le noir, elle ait allumé une lampe : jamais elle n’aurait pu imaginer qu’il était là. Assis dans la pièce, à quelques mètres d’elle. A regarder par la fenêtre avec des yeux aussi transparents que du plomb.
-Qu’est-ce qu’il y a ? avait-elle demandé
-J’ai des verrues dans la queue ! avait-il répondu.
Alors, elle s’était assise par terre. A côté de lui. Et aussi précautionneusement qu’on peut le faire pour s’asseoir sur une toile d’araignée en ruine. »


(Bien entendu, vous savez déjà qui a écrit ce texte, en 1975.)
Image : Chagall "Au-dessus de la ville-1915

lundi 14 septembre 2015

Mieux vaut fuir la vie?




La route.
longue ligne droite
qui finit par plonger
dans un des premiers matins embrumés.
Ils sont deux.
Deux gamins décharnés,
deux fantômes.
Un de chaque côté
un blanc,
un noir.
Ils peignent les bordures de la route.
Le blanc a choisi la peinture noire
et le noir la blanche.

Pas la peine de chercher un travail plus inutile
et le vent, lui-même, ce traître,
s’amuse d’un tel boulot.
Mètre après mètre,
ils avancent par petits sauts de côté
comme deux crabes.
Un blanc,
un noir.
Des gouttes  dégringolent
sur leurs chaussures, sur le bitume.
Des gouttes noires,
des gouttes blanches
comme de la sueur,

des larmes inutiles.

Julius Marx
(Egypte 2015)
Image : Paul Klee.

dimanche 13 septembre 2015

Le Polar Est Précis





Oller était debout à ma droite, adossé au mur. Il portait un complet bleu marine, dont les coudes luisants et les revers étroits accusaient ses cinq ou six ans d’âge. Son veston était ouvert, et sa chemise bouffait par-dessus sa ceinture. Il avait une cravate rouge et bleue avec une petite tache sombre juste au-dessous du nœud. Il s’habillait comme un homme qui a trop de gosses et pas assez de fric.
Oliver Bleeck
(Ross Thomas)
Confidences Mortelles

Série Noire n° 1518
Image : He walked by Night (Werker/Mann-1948)

samedi 12 septembre 2015

Couleurs





Il se rappela avec un respect immodéré le plaisir grandissant qu’il prenait, à dix ans, en regardant les tableaux et en écoutant de la musique classique, l’absence de l’esprit dans cet amour nouveau. Comme il était merveilleux d’aimer une chose sans le compromis du langage !
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Il se dit que les grands principes étaient bons pour les universitaires. Le peintre ou même le poète au travail se salit les mains dans la matière du monde.
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Le surlendemain, lorsque le vent tourna au sud et que le temps changea, il se réveilla sous la tente en pensant qu’il venait de survivre à une nuit dans la nature sauvage. Assise près du feu de camp, Sabrina lisait le livre d’Agassiz. Elle lui dit bonjour et se mit à lui préparer le petit déjeuner. Il se demanda ce qu’il allait devenir. Mais penser à soi était aussi fatigant que d’essayer de comprendre la théorie du chaos dans le supplément scientifique du Times. Derrière Sabrina, sur une bûche moussue, il remarqua une nuance de vert qu’il n’avait jamais vue. Et le premier après-midi à Marquette, une lointaine tâche de lumière avait éclairé le lac sombre et tumultueux, lueur dorée et déferlantes blanches. Le temps passait tandis que sa fille lisait et faisait des œufs brouillés. Il avait rêvé du succès tel que le monde le définit, mais il était étonnamment  facile d’y renoncer au profit de son premier amour.
Jim Harrison

Au Pays du sans-pareil (in Nageur de rivière)
Image : une "Finlandaise " de Sonia Delaunay

mercredi 9 septembre 2015

Le Jeu de la mouche




U IOCU DA MUSCA ( le Jeu de la mouche)
On y jouait de mai à septembre, quand le soleil asséchait la plage rendue humide par les pluies d’automne. A six ou dix enfants, on s’allongeait en cercle, à plat ventre sur le sable et chacun plaçait une pièce de vingt centimes au milieu, à hauteur de sa tête. Chaque joueur crachait copieusement sur sa pièce. Puis on restait immobile, parfois  pendant des heures, à attendre qu’une mouche vienne se poser sur une des pièces. Le propriétaire de la pièce élue par la mouche gagnait l’argent parié par tous les autres. Il pouvait arriver que, de toute la matinée, ou de tout l’après-midi aucune mouche ne se manifeste : dans ce cas, on reprenait le jeu exactement au même point le lendemain. On avait le droit de parfumer sa salive, avant de cracher, avec des odeurs et des goûts agréables pour les mouches comme du miel, du jus de raisin, du sucre. Bettino Zappulla eut pendant plusieurs jours une veine incroyable, puis nous découvrîmes qu’il parfumait son crachat avec ses propres excréments. Il fut disqualifié. Il était strictement interdit de lire pendant qu’on jouait : le froissement des pages qu’on tourne aurait pu induire à fuir ou à changer de cap. De même il était interdit de parler. Je suis absolument persuadé que nos destinées individuelles se sont décidées au cours de ce jeu, qui a duré des années : nous passions tellement de temps plongés dans une pure méditation sur nous-mêmes et sur le monde. Et ainsi l’un de nous devint gangster, un autre amiral, un autre encore homme politique. Pour ma part, à force d’attendre la mouche en me racontant des histoires vraies ou inventées, je devins metteur en scène et écrivain.
Andrea Camilleri
Le Jeu de la mouche
(Traduction Dominique Vittoz)

Mille et une nuits- 2000

dimanche 6 septembre 2015

Journal d'un migrant ( 22-23 et Fin)




Le destin des souvenirs ( une fois encore)
Bray-Dunes (14 août 2015)




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Lille (15 Août 2015)

Petit Matin. Le retour.
"Le lendemain matin le réveil sonna. Montalbano s’aréveilla, mais au lieu de se lever d’un bond pour éviter les pinsées de vieillesse, de décrépitude, d’Alzheimer et de mort, il resta couché."
Aix en Provence (20 août 2015)

samedi 5 septembre 2015

Le Polar Est Amour (24)




Dudley frappe. Elle ouvre aussitôt. Ils s’embrassent sur le seuil. Dudley dégrafe la robe verte. Les bretelles restent sur les épaules de Bette. Dudley les fait glisser et tire le tissus de sa robe jusqu’à la hauteur de sa poitrine. Elle se tortille pour refermer la porte. Elle se dresse sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Champagne et tabac-il connait son haleine, à présent.
La bouche de Bette sur lui. Sa bouche à lui, en elle-voilà ce dont il a envie. Il la prend dans ses bras, la soulève et la porte. Il cherche un endroit où s’agenouiller.
Un canapé recouvert de velours. Oui- c’est ce qu’il te faut.
Il y pose Bette. Il relève sa jupe. Elle dit : Dudley Liam Smith. Ses bas sont tendus par un porte-jarretelles. Il attaque avec les dents les pinces qui les retiennent. Il met en pièces bas et lingerie fine qu’il repousse jusqu’aux pieds. Bette répète : Dudley Liam Smith. Elle l’attrape par les cheveux et soulève ses hanches vers lui.
Il trouve cette partie d’elle qu’il désirait. Elle dit son nom. Il découvre ce goût qu’il voulait connaître. Elle lui maintient la tête en place et pousses ses hanches vers lui. Il s’accroche à ses seins. Elle lui tire les cheveux. Elle pousse ses hanches en avant et répète le nom de Dudley. Elle se démène et ne parle plus et se met à haleter. Elle se cambre et pousse le canapé contre le mur. Son dernier soubresaut renverse une lampe.
23h23
-Dudley Liam Smith. Tu n’es pas fatigué de m’entendre dire ton nom ?
-Pas du tout, ma douce.
-Ca ne doit pas être très confortable, pour toi, de rester à genoux de cette façon.
-Gamin, j’ai été élevé dans le sein de l’église. Tu ne peux pas savoir à quel point cette position m’est familière.
James Ellroy
(Perfidia)
Image: Bette Davis in Now Voyager (Irving Rapper-1942)

vendredi 4 septembre 2015

Journal d'un migrant (21)


Pourquoi ce regard, cette pointe d'agressivité ? 

(La Vierge et l'enfant entourés de 5 anges -Botticelli )
Louvre de Lens ( 14 août 2015)

jeudi 3 septembre 2015

Journal d'un migrant (20)



Bologne est chaude. Bologne est Rouge. Bologne  EST actualité.
-Sans blague ?
IL est beaucoup plus jeune que moi. J’aime cette pointe d’ironie de tous les jeunes du monde. L’unique chose qui le préoccupe pour l’instant, c’est de savoir si la tour Asinelli est penchée ou pas. Je dis :
-Bologne fait l’Histoire. REGARDE bien les noms de ces hommes, de ces femmes, gravés sur la brique ROUGE de la Mairie.
Aujourd’hui. As-tu remarqué ce combat, tout à l’heure ? SDF contre immigré. Pour un petit morceau de trottoir…  
Laisse-tomber la Tour. Allons manger.


Marché des Herbes. Midi.
Une véritable fête. Une réunion d’initiés, d’apôtres de la pâte, de la tomate et de la pancetta. REGARDE, le partage, la vie.
Bologne, c’est LA VIE.
Il dit

-Amen.
Julius Marx 
(Bologna- 10 août 2015)

mercredi 2 septembre 2015

mardi 1 septembre 2015

Journal d'un migrant (17-18)




Ville de miroirs (Venise 7 août 2015)


Période estivale. Deux mois chauds où des individus se précipitent vers des contrées magnifiques habituellement réservées aux solitaires.
De nos jours, le voyage désorganisé est un vrai luxe. Evidemment, il faut du temps, beaucoup de temps même, au voyageur pour réussir (ou plutôt devrais-je dire pour rater) son séjour. Sans aucune réservation, sans ordinateur portable avec système GPS, sans guide assermenté, il n’aura de cesse d’expliquer à ses compagnons d’infortune les éléments poétiques, historiques et culinaires contenus dans le seul verbe « déambuler. »
Bien sûr, ses nerfs lâcheront lorsqu’il visitera pour la troisième fois la zone industrielle de Padova avant de trouver enfin l’entrée de l’autoroute. Il versera même des larmes de rage, vaincu, en entrant dans un fast-food de Bologne pour demander si quelqu’un pourrait avoir la gentillesse de lui indiquer la Via Lenin !



Mais, il se souviendra probablement toute sa vie de l’ombre dans ces jardins de Palais vénitiens, des silences feutrés et des odeurs âpres des chapelles, des escaliers qui ne mènent nulle part, des maisons perchées, et surtout du sourire tendre de la patronne du restaurant, les regardant, sa fille et lui, se régaler de seiches grillées, de sardines confites, d’une salade de poulpes mémorable et de desserts simples.
Venise, la sérénissime. Simplement pour oublier qu’il existe aussi un autre monde.

Hélas.
Julius Marx (Venise 8 août 2015)