lundi 9 juillet 2012

Alors, comment ça va, là-bas, en Tunisie ?





Ouf ! Enfin. J'ai réussi à sortir de la grande poubelle ; un oeil poché, une patte meurtrie, rien de très grave. Comme disait ma pauvre mère (Dieu seul sait où se cache mon père) :" Dans la vie, il faut toujours se battre." C'est vrai que dans notre monde, personne n'est vraiment pacifique. On se bat pour la nourriture, le territoire ou les filles.
Le Paradis n'est par pour nous ! Enfin, il ne faut pas se plaindre. Nous aurions pu naître chien ou bourricot et prendre des coups dans le cul ou sur l'échine à chaque heure de nos pénibles journées.
Ce matin, j'ai partagé un reste de pâtes à la sauce tomate avec un vieux du quartier. Il m'a fixé avec le seul oeil qui lui reste et m'a dit : " Vois-tu, petit, dans notre corporation, il faut s'émanciper le plus vite possible. Moi qui te parle, j'ai quitté mes parents à peine sevré pour partir à la découverte des grands horizons." Je suppose qu'il a raison. Je l'ai abandonné alors qu'il entamait d'une voix grave le récit de sa misérable existence de l'indépendance jusqu'à la révolution. Avec les vieux, c'est toujours le même problème, ils ne peuvent pas se passer de faire de la philosophie ou de l'histoire. Nous, les jeunes, nous vivons dans le présent.
Cet après-midi, la chance m'a enfin sourit. J'ai déniché la bonne maison ; beau et grand jardin, poulailler bien garni, nombreuses possibilités de camouflage. Le caïd est un gros rouquin pouilleux qui s'essouffle vite. Le proprio est comme son matou ; grognon mais pas méchant.
Le petit plus c'est le couple de Français qui vit à l'étage. Probablement deux retraités qui se planquent, comme moi, dans un pays où le courrier est rare. A chaque fois qu'ils passent dans mon allée, la femme s'approche du grand pot de fleurs qui me sert de planque en faisant des" tsss.. tss..tsss..." avec sa bouche. Je lui fait ma mine de persécuté, c'est ma meilleure composition. L'homme me balance des sardines par dessus le balcon de sa cuisine, et le matin, j'ai même droit à la biscotte trempée dans du lait. C'est la vraie vie de pacha! Repas à heures régulières, combats rapprochés peu nombreux, longues siestes au soleil. Mon rêve, c'est de m'exiler dans un des ces merveilleux pays, au-delà de la Méditerranée. Là-bas, les chats vivent tous comme ça. J'ai même entendu dire qu'il existe de la nourriture rien que pour eux et qu'ils dorment sur des coussins moelleux.
Ramzi, le chat de la libraire (qui lit beaucoup la presse étrangère) a levé les yeux au ciel quand je lui ai parlé de mon rêve. Il a tripoté longuement sa longue barbiche blanche et m'a dit :"Mon pauvre ami. Sais-tu que pour les gens de ces pays merveilleux, comme tu les appelles, le chat noir porte malheur ?"
Son avis, je m'en moque. Je le laisse volontiers avec ses bouquins. Ce soir, j'ai rendez-vous avec Selim, un chat d'hôtel. Il peut me faire travailler dans son palace. Il affirme que les touristes sont plus que généreux avec les bêtes. Mais, je me méfie de lui. Il a les yeux fous d'un vétérinaire. Mais, comme disait ma pauvre maman :"qui ne risque rien n'a rien".
Bon, les amis, je vous laisse. Le gros rouquin vient dans ma direction. Pour le moment, j'ai des choses importantes à régler. Pour le rêve, on verra plus tard.

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