samedi 7 juillet 2012

Histoires comme-ci, comme çà (17)

Comment j'ai traversé le Rio Grande 






Septembre 1976. Brownsville (Texas)
La ville offre bien peu d'intérêt. Une longue avenue centrale, des magasins aux vitrines défraîchies, des habitants comme leurs devantures.
L'unique attraction du coin, mais elle est de taille, c'est vrai, c'est le fleuve tout proche..
Pour nous, ce n'est pas un fleuve, c'est le fleuve : le Rio Grande.
Son seul nom fait naître des frissons tout le long de la colonne vertébrale. Il suffit de prononcer deux mots  pour qu'aussitôt, apparaissent les plus belles images de la mythologie du grand ouest.
John Wayne, Gary Cooper, James Stewart et tant d'autres sont passés par là ! Les cavaliers et leurs fidèles montures, poursuivis par des hordes de méchants ou des indiens peinturlurés sur le sentier de la guerre, ont traversé ses eaux pour se réfugier sur l'autre bord, le Mexique. Et puis, il y a les images, les scènes plus précises ; le lieutenant-colonel Kirby-York, à la tête de son détachement, qui ne peut poursuivre la bande d'indiens renégats de l'autre côté du fleuve, le grand Ward Bond, qui déclare, en levant les yeux au ciel, "bénis-nous seigneur, pour ce que nous allons recevoir..." avant l'attaque des Indiens.
Alors, à l'instant où nous pénétrons dans la zone frontière, inutile de dire que nous sommes plutôt fébriles. Nous ne sommes pas à cheval. Nous n'avons donc pas besoin de calmer nos montures fourbues et nerveuses d'avoir chevauché trois jours et trois nuits. La veille, nous n'avons pas campé  près d'un bosquet ou dans une clairière. Nous n'avons pas mangé un plat de haricots ni bu de café dans un gobelet en étain. Notre hôtel, sans être le grand luxe, était climatisé.
Un premier grand choc nous attend. En cette saison, et à cet endroit précis, le fleuve n'est pas très large. Et puis, ce ne sont pas les Indiens qui nous poursuivent mais des longues files de mexicains et de touristes qui nous poussent vers l'autre rive.
Nous passons à pied entre deux rangées de hautes grilles.
La légende de l'ouest s'évanouit aussitôt dans les brumes de chaleur lorsque nous arrivons devant le portillon automatique à tourniquet (on se croirait dans le métro, mais ici, personne n'ose passer par-dessus). Des flics à la gueule patibulaire (qui pourraient facilement jouer les méchants) nous gueule de préparer un quarter (25 cents) pour glisser dans la fente de l'appareil diabolique.
Voila, c'est fini. L'opération n'aura duré que quelques minutes. Nous sommes maintenant en territoire mexicain.
Devant nous, pas de grands espaces, mais des boutiques qui vendent de l'alcool et des cigarettes.
Le lieutenant colonel Kirby York  et les autres sont loin, beaucoup trop loin pour qu'on puisse encore espérer les croiser. Pourtant, je suis persuadé d'entendre quelque chose... on dirait un clairon... celui de la cavalerie des Etats-Unis ?
Julius Marx

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