mardi 29 janvier 2013

Livres...et autres vieilleries


Le téléchargement de livres? pourquoi pas...
Mais alors, comment effacer de sa mémoire la joie de dénicher, par exemple, cet exemplaire des Dames de Californie  datant de 1929 dans cette échoppe obscure d'une médina?
Comment renoncer à caresser le doux papier de soie qui protège encore l'oeuvre? Et enfin, pourquoi ne plus chercher, jamais, à tenter de déchiffrer le nom, inscrit au crayon d'une écriture droite et soignée sur la première page, du dernier propriétaire, et ne plus plonger son nez entre les pages jaunies, inégales et trop vite découpées  ?
Pourquoi bouder ce plaisir rare de lire encore des textes comme celui-là, avec cette langue presque incongrue aujourd'hui, remplacée par des verbes comme impacter ou des adjectifs morts à la tache.

"Je n'ai pu me soustraire à cette évocation. On jugera peut-être que la fin d'un archange n'avait pas sa place au seuil d'épisodes tout frivoles. Que m'importe! Ceux-là seuls qui n'ont pas puissamment vécu ne comprendront pas que la vie mêle tout et que l'on peut, dans une boite de nuit, devant une bouteille de mauvais alcool, caresser de beaux seins avec un coeur plein de mort.
J'irais plus loin. Il me semble que l'on ne peut saisir vraiment le goût amer, épais, de la tristesse et celui invincible, du plaisir que s'ils se suivent de près et parfois se confondent comme dans ces fruits que l'on mâche pour en exprimer à la fois l'âcreté et la fraîcheur."

Pour le plaisir, tout simplement  et si les livres meurent avec nous, après tout, qu'est-ce que ça peut bien faire.

"Tout en égayant leur promenade de calomnies qu'ils échangeaient posément, comme des pions de trictrac, les deux amis croisaient cette population nantaise qui, à sa bigarrure traditionnelle, ajoutait celle des temps nouveaux: aux calfats se joignaient les gardes nationaux, aux pilotes espagnols, aux capitaines anglais, aux mousses portugais, aux esclaves de couleur, aux négociants bataves, aux coqs, aux matelots, aux écailleuses d'huîtres venaient se mêler les maraudeurs, les vivandières, les orateurs de faubourg, les hommes à idées.
On entendait, par-dessus les têtes, les détonations de la limonade et les airs dansants des joueurs de musette."

Achevé d'imprimer le 29 janvier 2013 par moi-même, quelque part en Tunisie.
Julius Marx
Texte 1 : Les dames de Californie (Joseph Kessel -1929- Gallimard)
Texte 2 : Parfaite de Saligny (Paul Morand-1958- La Petite Ourse)



1 commentaire:

  1. Rien qu'à te lire, on sent l'odeur du papier, de la poussière, de l'encre… Mais ça pourra sûrement être inclus en option dans les tablettes.

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