dimanche 26 mai 2013

J

J , comme Joyce




Tout ceci débute lentement, presque gentiment; avec des amours de jeunesse, des territoires interdits et des maisons hantés.
Et puis, au fil des seize histoires, les enfants grandissent. Les adultes se prennent alors à rêver à une belle histoire d'amour, une vie familiale sans aucune tâche de naissance. Mais, bien entendu, on n'échappe pas à l'implacable destin. Comme l'écrivait déjà Edgar Pöe : "des hommes meurent avec le désespoir dans le coeur et des convulsions dans le gosier à cause de l'horreur des mystères qui ne veulent pas être révélés ".
Edgar Pöe  encore que l'auteur cite dans une post-face magnifique où elle s'interroge sur l'origine et la définition de ce qu'elle nomme le grotesque. Aujourd'hui, on appellerait cela le thriller mais, admettons que ce grotesque trouve largement sa place au sein du genre noir psychologique à côté d'une autre femme comme Margaret Millar.
Dans toutes ces histoires c'est bien ce qui est caché qui nous préoccupe et qui finit par nous hanter.
Une autre grande dame écrivait aussi ceci :" j'aimerais que les mots que vous avez prononcés puissent apaiser la tristesse de mon coeur. Et il en irait ainsi dans un Univers un peu plus simple que le nôtre... Mais il y a ...Il y a comme un noeud dans ce monde, quelque chose que nous ne comprendrons jamais." (Anna Maria Ortese).
Si le contenu s'inspire de la vie et de sa banalité magique, l'écriture nous bouscule sans ménagement. Ainsi , nous pouvons lire des qualificatifs comme" agent responsable" pour présenter une femme seule avec son enfant, ou ceci encore pour parler d'un couple: "il avait une pointe de regret que leur vie se fût scindée en vies."
Comme chez tous les grands écrivains, il n'est pas rare de poser le livre  sur le côté, de soupirer légèrement et de se mettre à réfléchir longuement à la phrase parfaite que l'on vient de lire.
Lisez encore ceci et soupirez autant que vous voulez, sur ce blog , vous êtes totalement libres .
"Les journées étaient des objets extérieurs. Elle s'en débrouillait avec adresse parce ce qu'elles n'étaient pas entièrement réelles...
Cette journée, qui était le dernier vendredi du mois, passa par vagues irrégulières, comme une flottille de nuages. Comme des nuages d'avril menaçants, gonflés et plissés par la pensée. Comme une procession de cerveaux à demi ivres. La femme s'efforça de se concentrer sur son travail car après tout c'était sa vie publique, sa vie extérieure, une vie ayant autant de valeur que n'importe quelle autre dans la société de consommation capitaliste où elle s'était retrouvée mener son existence, alors que le siècle lui-même, déclinant et épuisé, s'acheminait vers sa fin, sans doute pas l'apocalypse flamboyante à laquelle sa génération avait prétendu croire, mais, oui, assurément, une fin, un terme, et un "nouveau" siècle à venir sur le calendrier, qui enterrerait le nôtre avec l'impatience de tout ce qui est nouveau, jeune, vigoureux et affamé."
En entrant dans la maison Oates, préparez vous à oublier illico tout ce qui cherche vainement à s'appeler littérature.

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