jeudi 16 mai 2013

Le Polar est Militant


Elle avait des mains fortes et un peu calleuses pour une citadine; des mains utiles. Elle ôta ses lunettes et frotta ses yeux fatigués. Exposés ainsi, ils étaient grands, limpides et doux. Comme sa voix mais la mâchoire était volontaire.
-Une robe, une jupe avec chemisier, une robe du soir, lut Ruth.
Elle avait la voix sèche, comme son corps. Entre un mètre soixante-dix et un mètre soixante-quinze, elle paraissait plus grande qu'elle ne l'était. Elle avait le teint clair, d'un rose pâle, avec de légères boucles blondes serrées, comme des aigrettes de pissenlit au sommet d'une longue tige. Elle avait environ huit ans de plus qu'Alice.
-Vu, dit Alice en pliant les vêtements dans la valise Goodwill bon marché, achetée la veille pour le voyage.
-Trois paires de chaussures à talons aiguilles tout ce qu'il y a de plus pute, annonça Ruth sans véritable humour.
-Vu.
-Quatre collants.
-Ca y est.
-Perruque brune, perruque blonde, perruque rousse.
Alice hocha la tête en soulevant le couvercle de chaque carton à chapeau. Elle retira les armes de la pile et les plaça en attente devant elle.
-Gardons-les pour la fin, dit Ruth en baissant les yeux sur les paquet enveloppés de toile brune. Tu as la trousse de maquillage  naturel complète?
-Tout pour la femme moderne en voyage, acquiesça Alice en fourrant le sac plastique à fleurs dans un coin de la valise.
-Trois paires de faux seins.
Ruth fronça involontairement les sourcils.
-Châles. Boa de plumes.Trois paires de pendants d'oreilles, une chaîne en plaqué or , un sautoir de perles, une fleur de courge en plaqué argent et fausse turquoises, un bracelet de cheville et une poignée de bagues coquines. Ca devrait les renverser. Et maintenant dit Ruth en désignant d'un geste le plancher, deux fusils de survie AR-7 avec munitions. Pour les femmes d'avenir. Et ça, ça devrait vraiment les renverser, ajouta-t-elle sérieusement pendant qu'Alice rangeait les paquets avec soin, sans un  mot.
Le fusil de survie Explorer AR-7 était la version civile d'une arme que l'armée de l'air avait mise au point pour être lâchée avec les pilotes dans les régions désertiques. L'armurier n'avait pas paru enthousiasmé par ce fusil." Ca donne des résultats, bien sûr, avait-il dit d'un air critique. Comme arme, ça vaut mieux que de lancer des pierres." Quand elles avaient quand même décidé d'en prendre deux, il avait eu un haussement d'épaule et un regard qui disait simplement : " Les femmes. On ne peut rien leur conseiller."
Aron Spilken et Ed O'Leary
Burning Moon (1978)


Avez-vous envie de lire un roman noir mettant en scène :  deux jeunes femmes devenant braqueuses  avec le concours d'un travesti, des flics machistes, un lévrier afghan qui ressemble à Lauren Bacall, une fuite éperdue dans le parc national du Grand Téton, avec ses montagnes en forme de seins ? Oui ?
Burning Moon est paru à la Série Noire sous le titre Les montagnards sont un peu là n° 1753.
Ne me remerciez pas, c'est naturel.
Photo : Lizabeth Scott, Barbara Stanwyck et Van Heflin dans  The Strange Love of Martha Ivers (Lewis Milestone-1946)

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