lundi 11 novembre 2013

Les portes du Paradis (4)

L'invité surprise
Calascibetta
Ce matin-là, nous ne regardons pas le ciel encore désespérément bleu mais le sol. La cour, les escaliers et le chemin qui mène aux chambres sont recouverts d'une fine poussière noire. Aucun doute, il s'agit bien de cendre.Le patron du bed and breakfast nous attend dans la cuisine, son téléphone portable en main. Il est fier de nous montrer une vidéo de l'Etna en éruption qu'un de ses amis vient de lui envoyer. Ce qui devrait provoquer une peur légitime est plutôt vécu par les autochtones comme une sacrée démonstration de force. Cette relation particulière  entre le vrai Maître de l'île et ses sujets, nous en reparlerons plus tard. Pour l'instant, l'homme (plutôt prolixe, je ne sais si l'Etna est encore le responsable) énumère les différents maux de la société sicilienne. J'en profite pour caser dans notre échange les noms de Sciascia et Pirandello ( ce ne sera pas mon unique tentative pendant ce voyage et il me semble que ces grands écrivains sont un peu comme Victor Hugo, par exemple, en France : tout le monde connait leurs noms et leur réputation mais très peu ont lu leurs oeuvres. Mais, de cela aussi nous reparlerons plus tard.)

Là-haut



 La ville d'Enna et le village de Catalniscetta sont tous les deux perchés sur des pics rocheux et se font face. La visite des sites se mérite. Lorsque nous arrivons enfin à Catalniscetta après une vingtaine de kilomètres et un nombre impressionnant de virages serrés, nous n'avons qu'un seul souhait : profiter du soleil, sereinement  assis à la terrasse d'un café pour faire cesser au plus vite  le tournis qui nous a saisie. La seule question importante pour le moment est : prenons-nous notre cornetto avec de la crème à l'intérieur ou avec de la marmelade d'abricot?












Nous sommes dimanche. Les hommes et les femmes apprêtés traversent la grande place centrale pour se rendre à l'église. Et croyez-moi, les églises ici ne manquent pas! Sur cette place entièrement carrelée et limitée par des bancs de pierre, je remarque pour la première fois un curieux rituel . Des groupes d'hommes,par deux ou par trois, arpentent la place dans sa longueur et sa largeur en échangeant des paroles à voix basse.C'est probablement sur cette place que se règlent les conflits ou les affaires courantes. Dans ma tête, en observant le manège, j'ai enfin résolu mon propre conflit interne : je prendrai un cornetto à la marmelade et un autre à la crème.

Enna 
En Sicile, entrer dans une ville de moyenne importance comme Enna et en sortir sans se tromper de chemin relève de l'exploit. Mais, il faut bien avouer que grâce à ce coup de pouce involontaire des services municipaux, la chance nous  sourit.  En remontant une grande route bordée d'arbres que nous croyons être la nationale menant à Grammichele nous nous retrouvons subitement face à l' immense parking du cimetière de la ville. Nous sommes à quelques jours seulement de la fête des morts et les marchands de fleurs ambulants ont poussés plus vite que les géraniums. Nous décidons de visiter le cimetière.
Dans les allées, hommes, femmes et enfants sont occupés au nettoyage des caveaux familiaux (vous n'avez pas oublié l'éruption de l'Etna, j'espère).


Ce cimetière est une véritable petite ville et les caveaux sont tous d'une beauté solennelle.


 Tout est si calme, si apaisé, que c'est à peine si l'on entend le vent qui souffle entre les stèles et les petites chapelles.



Ce dialogue particulier entre un peuple et ses défunts nous laisse songeurs. Je n'ai plus rien à ajouter, je vous laisse avec le vent.
(A suivre)
Julius Marx


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