jeudi 14 novembre 2013

Les portes du Paradis (6)

La Chine, les USA et les intouchables.
Si, en nous accueillant la veille, notre logeuse s'était montrée plutôt avare de paroles, au moment du petit-déjeuner, ce fut complètement l'inverse. Travaillant comme assistante sociale dans un centre pour les réfugiés, elle nous donna beaucoup d'informations sur la vie des familles échouées dans sa ville.
La conversation débuta avec le drame de Lampedusa  pour s'achever avec les conditions de travail en Chine, le rôle des Etats-Unis et le peuple des intouchables hindous.
J'en profitai pour glisser çà et là (entre le salaire moyen des Bengalis et la qualité de la confection chinoise) quelques lignes de  l'histoire de ces paysans siciliens  voulant partir pour le nouveau monde et abusés par l'un des leurs, écrite par Sciascia dans son recueil de nouvelles La mer couleur de vin.
Avant de nous séparer (quelques cafés plus tard) elle m'a promis de lire le livre.





Palazzollo Acreide
Le bourg est surtout réputé pour ses ruines antiques mais, une fois n'est pas coutume, je tiens à visiter la charmante boucherie-charcuterie que j'ai repéré sur la place du village.
A l'intérieur, le visiteur a le choix ; il peut lever les yeux et découvrir les longues rangées de saucisses alignées qui sèchent sur une perche de bois ou bien porter son attention sur la vitrine réfrigérée où sont exposés  les différentes pancetta ou la couche de gras est au moins aussi importante que la couche de viande!
L'accueil n'est pas des plus chaleureux, qu'importe..
Je demande si la saucisse est prête à supporter le voyage jusqu'aux rives africaines. Pour toute réponse, le patron en personne nous coupe une dizaine de rondelle.  Nous goûtons. Je m'étonne de trouver des petits morceaux de fenouil très fins dans la viande.
-Sans fenouil, cette saucisse ne s'appellerait pas saucisse de la vallée de la Madonie. Répond le boucher sur un ton qui ne prête pas à la polémique.
Nous achetons. Nous sortons.





En route vers Siracusa
La route s'immisce dans d'interminables plantations d'agrumes. Bon nombre d'exploitations ont aujourd'hui choisi l'option  complément de revenu sous la forme du label Agriturismo (biologique, bien sûr).En réalité, pour la plupart, ce sont de luxueux hôtels financés par la communauté européenne et d'autres dont nous tairons le nom et la raison sociale. Sur les lieux même où les paysans peinaient il n'y a pas si longtemps sous un soleil de plomb, des groupes de touristes japonais, américains et anglais profitent maintenant de ce même soleil. Confortablement installés dans leurs transats au bord de magnifiques piscines, ils savourent le temps qui passe si lentement ici.
Nous entrons dans une de ces "fermes" à l'heure de la sieste.Personne en vue. A la réception, une vieille femme dort paisiblement sur son canapé devant la télé qui diffuse les informations.
C'est encore de Berlusconi dont il s'agit. Nous faisons le tour de la pièce, la femme ronfle toujours.
Nous trouvons le tarif des chambres et de l'huile d'olive et nous décidons illico de prendre la fuite.
Lorsque nous refermons la porte de la réception, la dame dort toujours et le cas Berlusconi n'est toujours pas tranché.
Qu'importe, puisque nous allons enfin voir Siracusa..
(A suivre)
Julius Marx

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire