jeudi 7 novembre 2013

Les portes du Paradis (suite)

Palermo
Dès la descente de l'avion, je ressens une étrange sensation. Croyez-moi si vous voulez mais j'ai l'impression d'être de retour à la maison. Moi, un natif de Seine-et-Marne qui choisit toujours de marcher sur le trottoir ombragé et qui n'aime pas particulièrement la pastèque ou la figue de barbarie. Mais c'est ainsi ; c'est avec un sourire béat que je passe les différents contrôles. J'ai envie de dire bonjour à tout le monde, de caresser les chiens policiers qui reniflent mes bagages. Les passagers qui attendent leurs valises, dans la longue file bruyante, doivent certainement me prendre pour un fumeur de crack.Je soupire, je me sens apaisé, au-dessus de cet aéroport grouillant de monde, assis tranquillement sur un charmant petit nuage tout  spécialement crée pour moi par le Dieu palermitain du ciel bleu.
Beaucoup plus tard, après deux bousculades suivies de scènes de panique,une confrontation musclée avec un loueur de voitures sourd-muet, nous sommes enfin sur la route. Je reste les yeux fixés sur la mer et puis sur la montagne qui dégringole jusque sur les plages.Je tourne tout juste à temps la tête pour entrevoir furtivement la grande stèle en forme d'aile d'avion, à la mémoire du juge Falcone, plantée sur le bord de l'autoroute. C'est peut-être un des nombreux problèmes de l'île : on admire trop la mer et le paysage et pas assez les stèles commémoratives ?

Bagheira
A moins d'une vingtaine de kilomètres d'une capitale bouillante nous nous retrouvons dans un petit bourg calme et apaisé. Nous nous extasions déjà devant les quelques villas qui bordent le corso principal, les devantures de magasin ou les balcons torsadés,  sans chercher à déterminer le siècle de leur construction. Nous venons visiter la Villa Palgonia, une de ces constructions extraordinaires et totalement hors du temps qui font la réputation de l'île. Si tout est moderne dans le jardin public que nous traversons, les bancs de pierre sont occupés par des joueurs de cartes. Les hommes qui jouent et les observateurs (très nombreux) sont tous silencieux et totalement absorbés par le jeu. Pas vraiment difficile de deviner que les mises doivent être importantes. (Pas de photo.)
Nous voici devant la villa à l'heure où le soleil montre quelques signes d'apaisement.
La visite débute par le jardin. Un visiteur pressé le jugerait sans doute « à l’abandon ». Mais, il faut prendre son temps pour découvrir cet inventaire de la végétation méditerranéenne. Cactus, orangers, citronniers, et à peu près  toutes les familles de plantes grasses reposent ici dans le calme.



Grâce  au  petit coup de fatigue du soleil, les fameuses statues  du mur d'enceinte deviennent encore plus lumineuses et souriantes. 


Elles donnent l'impression de se raconter des histoires drôles, sans s'occuper le moins du monde des deux spécimens de la société moderne très occupés à leur tirer le portrait.
A mes pieds, allongé dans l'herbe à l'ombre d'une branche de palmier, ce curieux personnage à la fraise semble méditer sur sa condition.



Nous sommes abasourdis. Pour un premier jour sur l'île, c'est déjà trop..
.

L'intérieur de cette villa magique ne déçoit pas. Il est à la mesure, ou plutôt à la démesure des lieux.



Comme bien souvent dans ce genre d’endroit marqué par le passé, on se prend à rêver. Nous voici conviés  à  une des soirées fastueuses organisées par Francesco Ferdinando II, Prince de Palagonia. Nous saisissons le verre de Marsala  qu’un valet vous présente, en répondant d’un sourire bienveillant au  maître de maison  qui nous invite à nous diriger  vers le salon de musique...
 Pardonnez-moi. Je vous abandonne dans votre siècle...
(A suivre)
Julius Marx

3 commentaires:

  1. Chanceux -se. Un petit tour par Notto aussi?

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  2. Bravo pour ce beau texte et vos photos que j'ai vues sur Flickr ! Je suivrai avec plaisir le récit de ce voyage. A propos de Bagheria, je vous signale, si vous ne le connaissez pas déjà, le film de Tornatore, "Baaria", qui n'est certes pas un chef d’œuvre, mais qui restitue tout de même assez bien la magie de ce lieu.

    J'ai vu sur l'une de vos photos que les restaurants ont à leur carte les "arancini" de Montalbano (qui sont plutôt ceux d'Adelina, d'ailleurs) les avez-vous goûtés ?

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